Pour rappel, l’activité d’intermédiaire financier se définit comme l’activité d’une personne agissant comme entremetteur et ayant comme but de parvenir à la conclusion d’un contrat entre deux parties dans le domaine du marché monétaire et du marché des capitaux, sans qu’elle-même soit partie à ce contrat et qu’elle n’ait un intérêt propre à son contenu. Les prestations relevant de cette activité sont exclues du champ de l’impôt.
Dans cet arrêt, le litige portait sur le sort fiscal des prestations d’intermédiaire lorsqu’elles sont liées à une opération ne faisant pas partie de la contre-prestation, soit considérée comme hors du champ de la TVA en vertu de l’art. 18, al. 2, let e, LTVA.
État de fait
La société X-AG fournissait des prestations d’intermédiaire liées à la souscription de parts sociales émises dans le cadre d'augmentations de capital. Concrètement, elle assistait diverses entreprises dans la recherche de nouveaux investisseurs pour leurs actions nouvellement émises. X-AG a qualifié ses prestations en tant qu’intermédiaire financier, soit exclues du champ de l’impôt. Dans le cadre d’un contrôle TVA, l'Administration fédérale des contributions (AFC) a demandé des précisions sur la nature exacte de l’activité réalisée par la société et a exigé, davantage d’informations, comme la mise à disposition des contrats ou de factures. Sur cette base, l'AFC a conclu que la société fournissait des prestations imposables et a requalifié ces revenus comme des prestations imposables. Ainsi, elle a réclamé le paiement de la TVA correspondante. L’AFC a justifié cette décision en indiquant que les prestations d’intermédiaires financiers sont exclues du champ uniquement lorsque la prestation principale ayant fait l’entremise est elle-même exclue. Dans le cas d’espèce, les partenaires contractuels de X-AG émettaient de nouvelles actions dans le cadre des augmentations de capital. Les apports en capital ne font pas parties de la contre-prestation au sens de l’art. 18, al. 2, let. e LTVA et donc, les prestations d’intermédiaire de X-AG ne pouvaient pas bénéficier de l’exonération prévue à l’art. 21, al. 2, ch. 19, let. e LTVA.
Décision du Tribunal administratif fédéral
Le Tribunal administratif fédéral a conclu, dans son interprétation dudit article, que les prestations d’intermédiaire ne sont exclues de la TVA que si l’opération principale ayant fait l’objet de l’entremise est elle-même exclue selon cette disposition (A-2585/2022 du 29 juin 2023), confirmant ainsi la pratique de l'AFC.
Le Tribunal fédéral a abordé en particulier les deux points suivants :
- Formulation de l'art. 21, al. 2, ch. 19, let. e LTVA : Le Tribunal a précisé que l'emploi de la préposition « y compris » implique que le terme « négociation » se réfère nécessairement au terme « opérations ». Cependant, puisque le terme « opérations » est lui-même précisé par la mention « portant sur les papiers-valeurs, sur les droits-valeurs et les dérivés ainsi que sur des parts de sociétés et d'autres associations », le terme « négociation » s’applique également aux produits financiers mentionnés. Si, grammaticalement, les prestations d’intermédiaire dans le secteur financier sont exclues de la TVA, cela ne signifie pas pour autant que lesdites prestations d’intermédiaire sont automatiquement exclues si l’opération principale ayant fait l’objet de l’entremise relève elle-même de la disposition de l’art. 21, al. 2, ch. 19, let. e LTVA.
- Prestation d’intermédiaire exclue portant sur les papiers-valeurs : Le Tribunal fédéral a en outre souligné que, pour l'interprétation de l'art. 21, al. 2, ch. 19, let. e LTVA, il n'importe pas que les exonérations prévues à l'art. 21, al. 2 LTVA présupposent l’existence d'une opération imposable selon l'art. 18 LTVA. En effet, les opérations qui ne sont pas dans le champ de la TVA ne peuvent logiquement pas représenter des revenus exclus. Dans le cas d’espèce, seule l’opération principale ayant fait l’objet de l’entremise est hors du champ de la TVA, tandis que la prestation d’intermédiaire constitue, incontestablement, une opération qui tombe dans le champ de la TVA au sens de l’art. 18, al. 1 LTVA.
En résumé, le Tribunal a précisé que les prestations d’intermédiaire en lien avec l’émission de parts sociales (augmentation de capital) peuvent être exclues selon l’art. 21, al. 2, ch. 19, let. e LTVA, même si l’opération principale est considérée comme une opération hors du champ de la TVA.
Conclusion
La décision du Tribunal fédéral apporte de la clarté quant au traitement TVA des prestations d’intermédiaire en lien avec l’émission de parts sociales. Il sied de constater que les prestations d’intermédiaire en lien avec l’émission de nouvelles parts sociales ne doivent pas être traitées différemment des prestations d’intermédiaire concernant la négociation de parts sociales existantes, simplement parce que l’opération principale est hors du champ de la TVA.
Toutefois, des questions de délimitation subsistent en pratique, notamment entre les prestations d’intermédiaire et d’entremises. Les prestations d’entremises consistant à établir des relations de clientèle et à la fourniture d’information en vue de futurs contrats potentiels indéterminés sont des prestations imposables. Nous recommandons donc d’examiner attentivement la nature des prestations qui sont effectivement rendues et le traitement TVA applicable lors de la fourniture de prestations d’intermédiaire. Cette recommandation s'applique également lorsqu'une entreprise suisse bénéfice de telles prestations d’intermédiaire fournies par un prestataire depuis l’étranger.
Article rédigé par André Kuhn, Caryl Neuenschwander, Yann Waeber et Dominique Roggo