Le commerçant de titres dans le domaine du droit de timbre
La Confédération perçoit des droits de timbre notamment sur la négociation de certains titres suisses et étrangers. Le droit de timbre est prélevé sur le transfert de propriété à titre onéreux de titres imposables, lorsqu’un commerçant de titres est partie contractante ou intermédiaire dans la transaction.
La notion de commerçant de titres doit être interprétée au sens de la LT et ne coïncide pas avec la notion équivalente dans le droit de surveillance.
Sont notamment considérées comme commerçant de titres au sens de la LT les banques suisses (au sens de la législation bancaire), ainsi que les personnes physiques et morales et les sociétés de personnes suisses, les établissements et les succursales suisses d'entreprises étrangères dont l'activité consiste exclusivement ou pour une part essentielle à faire le commerce de titres imposables pour des tiers (négociants) ou à servir d'intermédiaires pour l'achat et la vente de titres imposables en tant que conseillers en placement ou gestionnaires de fortune (intermédiaires).
Le commerçant de titres est redevable d'un demi-droit sur chaque contre-prestation ;
- s'il agit en tant qu'intermédiaire : pour chaque cocontractant qui ne justifie pas de sa qualité de commerçant de titres enregistré ou d’investisseur exonéré.
- s'il est cocontractant : pour lui-même et pour la contrepartie qui ne justifie pas de sa qualité de commerçant de titres enregistré ou d’investisseur exonéré.
La question de savoir si l'activité d'une personne domiciliée en Suisse est qualifiée de commerçant de titres sous la notion de « négociant » ou d'« intermédiaire » est donc pertinente pour déterminer l'assujettissement au droit.
Décision récente du Tribunal administratif fédéral
La décision du Tribunal administratif fédéral mentionnée en introduction se fonde sur les faits suivants - le litige portait sur la question de savoir si deux fondations (Fondation-X et Fondation-Y), appartenant toutes deux au même groupe d'entreprises, remplissaient les conditions pour être qualifiées de commerçantes de titres :
- L'objectif de la Fondation-X est de faciliter l'acquisition d'actions d'une société du groupe par les collaborateurs de ce groupe et de faire des dons aux caisses de pension du même groupe. Les actions nécessaires sont achetées en bourse par la fondation X et vendues ensuite aux ayants droit.
- L'objectif de la Fondation-Y est de permettre ou de faciliter aux collaborateurs du groupe l'acquisition d'actions d'une société du groupe et de verser des contributions aux caisses de pension du même groupe. La Fondation-Y conclut avec les collaborateurs des contrats d'option sur les actions de la société du groupe qu’ils détiennent et, lors de l'exercice de l'option, acquiert des actions auprès de ces collaborateurs et les revend ensuite sur le marché ou à d'autres sociétés du groupe.
Le Tribunal administratif fédéral affirme que c'est la forme de la transaction, et non le but économique qui la sous-tend, qui est déterminante pour l'évaluation de la qualification du commerçant de titres. En outre, le Tribunal administratif fédéral constate que l'Administration fédérale des contributions (AFC) ne peut pas se référer à la simple réalité économique pour soumettre un état de fait au droit de timbre. Inversement, l'assujetti ne peut pas se soustraire au droit de timbre simplement parce qu'un résultat économiquement identique aurait pu être obtenu d'une autre manière.
La qualification des deux fondations (Fondation-X ainsi que Fondation-Y) en tant qu'« intermédiaires » a été rejetée, car elles n'exercent pas d'activité de conseil en placement et ne gèrent pas de fortune pour des tiers. Le Tribunal administratif fédéral a précisé à cet égard que la qualification d'« intermédiaire » suppose que la personne qui effectue des actes d'intermédiation soit également un conseiller en placement ou un gestionnaire de fortune. L'avis de l'AFC selon lequel le champ d'activité de l'intermédiaire professionnel comprend en soi les activités d'un conseiller en placement et/ou d'un gestionnaire de fortune a été rejeté.
Toutefois, le Tribunal administratif fédéral est arrivé à la conclusion que les deux fondations remplissaient la qualification de « commerçant ». Le tribunal a retenu à ce sujet qu'est considéré comme « commerçant » celui qui achète des titres à des tiers pour les revendre à son tour à des tiers. Cela doit se faire avec une certaine régularité et à titre professionnel. Le Tribunal administratif fédéral a toutefois rejeté, en se référant au texte de la loi, l'opinion défendue dans la doctrine selon laquelle l'activité de négoce doit en outre être exercée avec un cercle de personnes plus large.
Dans le cas présent, il suffisait, pour qualifier les deux fondations de commerçantes de titres, qu'elles achètent régulièrement des actions pour les revendre, qu'elles exercent cette activité à titre professionnel et que cette activité de négoce représente au moins une part importante de l'ensemble des activités des fondations. Le fait que les transactions de la fondation Y soient conclues avec un cercle limité de personnes ne s'opposait pas à la qualité de commerçant.
Comment interpréter cette décision dans la pratique ?
La définition du « commerçant » utilisée par le Tribunal administratif fédéral n'est pas fondamentalement nouvelle et a été largement reprise de la jurisprudence existante. Seule l'interprétation selon laquelle un commerce de titres avec un cercle restreint de personnes est également suffisant pour la qualité de commerçant s'écarte de la doctrine actuelle, qui exigeait en principe un commerce avec un cercle plus large de personnes.
La précision apportée à la notion d'« intermédiaire », selon laquelle celui-ci doit également être conseiller en placement ou gestionnaire de fortune pour être qualifié de commerçant de titres, est à saluer et clarifie la situation, notamment pour les « intermédiaires » qui n'exercent pas d'activité de conseil en placement ou de gestion de fortune.
Sur la base des décisions récentes des tribunaux concernant la notion de commerçant de titres, nous recommandons aux personnes morales suisses qui ont régulièrement recours à des transactions sur titres dans le cadre de leur activité commerciale, d'analyser de manière approfondie leurs activités du point de vue du droit de timbre de négociation.
Dans la mesure où les activités exercées par la personne morale la qualifient de commerçante de titres au sens de la LT, celle-ci doit s'annoncer immédiatement à l'AFC et remplir les obligations qui en découlent, telles que la déclaration et le décompte du droit de timbre de négociation.
Article rédigé par Dominique Roggo et André Kuhn