Déductibilité fiscale des provisions pour vacances : des conséquences majeures pour les entreprises après la clarification du TF

Dans l’arrêt 9C_192/2024 du 3 juillet 2024, le Tribunal fédéral a rejeté le recours déposé par une société genevoise spécialisée notamment dans l’audit et le conseil fiscal. Cette société cherchait à faire admettre la déduction d’une provision pour vacances accumulées de CHF 250'000. Le Tribunal a jugé que cette provision constituait bien une charge pour risque futur et qu’elle n’était, à ce titre, pas justifiée par l’usage commercial et qu’elle réduisait artificiellement le bénéfice imposable de l’entreprise.

La décision du Tribunal fédéral en détail

L’admissibilité fiscale des provisions est régie par l’article 63 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD). Pour être admise en droit fiscal, la provision doit (i) avoir été dûment comptabilisée, (ii) être justifiée par l'usage commercial et (iii) porter sur des faits dont l'origine se déroule durant la période de calcul.

Ainsi, des provisions peuvent être constituées à la charge du compte de résultats, notamment pour les engagements de l'exercice dont le montant est encore indéterminé et pour les autres risques de pertes imminentes durant l'exercice.

S’agissant de la provision pour vacances, le Tribunal fédéral rappelle dans cet arrêt qu’elle ne peut pas être considérée comme ayant été comptabilisée en lien avec des engagements incertains ou des pertes imminentes résultant d'affaires en cours, ou en relation avec un risque de pertes qui ne reposerait pas encore sur des engagements effectifs et qui ne concernent pas les actifs circulants.

Selon la jurisprudence, les provisions constituées pour faire face à des dépenses que l'entreprise devra supporter en raison de son activité future ne sont pas admissibles en l’absence d’un risque imminent en cours d’exercice.

En effet, les vacances cumulées des employés ne sauraient être assimilées à un risque financier immédiat pour l’employeur, puisqu’une obligation de rémunérer les vacances non prises n’existerait qu’en cas de résiliation du contrat de travail et d’impossibilité pour l’employé de les épuiser avant son départ, ou en cas de cessation d’activité de l’entreprise.

Ces provisions représentent ainsi des réserves qui font partie du revenu imposable et ne sauraient être déduites de ce dernier avant que la société n'ait à supporter les charges en cause, conformément au principe de périodicité du droit fiscal.

En effet, le principe de périodicité interdit de réduire artificiellement le bénéfice imposable par le biais de provisions exagérées, notamment des provisions constituées pour faire face à des dépenses que l’entreprise devra supporter en raison de son activité future, comme des provisions pour vacances, en l’absence d’une relation claire de connexité avec l'exercice commercial en cause.

Une telle provision, qui ne se respecterait pas ces conditions, ne serait pas admise au sens du droit fiscal et devrait ainsi être ajoutée au bénéfice imposable de la société.

Cette nouvelle pratique conduirait ainsi, dans les cantons où elle est suivie, à des différences entre les provisions admises commercialement et fiscalement. À noter que le canton de Genève a d’ores et déjà émis ses premières décisions de redressement à cet effet, alors que d’autres cantons pourraient continuer à admettre ces provisions dans leur intégralité.

Nos recommandations

Le Tribunal fédéral entérine dans cet arrêt le principe de non-déductibilité des provisions pour vacances. Ce procédé, qui permettait aux entreprises de créer des réserves latentes, ne sera en principe plus admis. Il faut donc s’attendre à des redressements fiscaux dans les futures décisions de taxations, un risque qui pourrait s’avérer conséquent pour les entreprises ayant une masse salariale importante.

Pour pallier le risque fiscal de reprise, il est vivement recommandé de revoir dès à présent la manière de comptabiliser les provisions pour vacances cumulées au sein de votre société et le cas échéant s’assurer qu’elles sont justifiées par des obligations immédiates.

Article rédigé par Nathalie Pellanda Gaud et Simana Boianova

 

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