Evolution de la remise en cause des deficits reportables en cas de cessions de titres de societes de droit allemand
Cette modification représenterait un véritable bol d’air frais pour les jeunes entreprises innovantes et start-up, ainsi que pour les sociétés encore frappées par la crise, freinées aujourd’hui sur le plan fiscal dans leurs process de cessions de titres.
Rappel de la législation existante
Suite à la réforme fiscale de 2008, et dans le cadre de la cession des titres d’une société, la possibilité d’utiliser les déficits fiscaux de l’entité est relativement encadrée en Allemagne. Nous pouvons résumer la loi en identifiant 3 scénarios :
- Dans la mesure où le transfert de parts sociales est inférieur ou égal à 25%, le transfert s’analysant sur une période de 5 ans, alors l’intégralité des déficits reportables est conservée.
- Lorsque le transfert porte sur plus de 25% et jusqu’à 50% des parts sociales, les pertes et intérêts reportables de l’entité cédée sont réduits à hauteur de la quotité de titres transférés.
- Enfin un transfert de plus de 50% des titres entraine une remise en cause intégrale des déficits reportables.
Les déficits reportables lorsqu’ils sont transférés doivent être utilisés en priorité, avant les déficits dits réguliers liés à l’activité ultérieure de l’entité.
Ces dispositions ont été progressivement ajustées notamment dans le cadre de la loi anticrise de 2009 qui prévoyait la possibilité de pouvoir utiliser les déficits reportables, même dans le cas d’une cession de 100% des titres, lorsque le cédant et le cessionnaire sont directement ou indirectement contrôlés à 100% par la même personne. Cela permet de faciliter le reclassement des titres intragroupe. On parle de la « clause groupe » ou « Konzernklausel ».
Une seconde exception, également introduite par la loi anticrise, prévoyait que les déficits reportables seraient maintenus à hauteur de la plusvalue latente éventuellement générée lors de la cession, c’est-à-dire à hauteur de la différence entre la valeur vénale et la valeur nette des capitaux propres. On l’appelle la « clause des plus-values latentes » ou « Stille-Reserven-Klausel ».
Présentation du projet de réforme : l’article § 8d KStG
Ces dispositions se sont révélés de véritables freins à l’investissement, tout particulièrement pour les entreprises fragiles, fortement affectées par la crise, ou encore les start-up. C’est conscient de cet état de fait que le ministère des finances fédéral Allemand a envisagé une nouvelle exception.
Ce projet permet aux entreprises cédées de conserver les déficits à la condition que suite à la cession des titres, l’activité et l’objet social de l’entité cédée doivent rester identiques à ce qu’ils étaient durant les 3 années précédant le transfert de propriété, et l’entreprise doit avoir pour objectif de dégager une rentabilité. Cette « clause liée au maintien de l’activité » ou « Fortführungsgebundener Klausel » ne s’applique pas si l’activité de l’entreprise est modifiée, mise en sommeil ou complétée par une activité différente ; la société ne doit pas faire l’objet d’une cogérance et les actifs transférés ne doivent pas l’être pour une valeur inférieure à celle du marché.
Illustrons l’application de la réforme par un exemple :
- A la fin de l’année N, le résultat de la société cible est déficitaire à hauteur de 2 millions d’euros.
- L’année suivante, 100% des titres sont cédés, l’activité reste identique. Le résultat de l’année N+1 se traduit par une perte de 1 million d’euros.
- Les 2 millions de déficit de l’année N sont reportables en application de la nouvelle disposition et correspondent au déficit « lié au maintien de l’activité », tandis que le million de déficit de l’année N+1 est reportable comme déficit « régulier ».
- La troisième année, la société redevient bénéficiaire avec un résultat annuel de 1 million d’euros. On appliquera en priorité les pertes « liées au maintien de l’activité » qui passeront de 2 millions à 1 million, le déficit « régulier » reportable étant toujours de 1 million d’euros.
Cette nouvelle disposition devrait permettre aux entreprises fortement déficitaires d’être sur le plan fiscal nettement plus attractives. C’est notamment le cas des entreprises victimes de la crise ou des start-up dont le modèle de gestion passe souvent par une accumulation de déficits les premières années, et qui une fois les fonds obtenus, éprouvaient des difficultés à faire l’objet de cessions.
Applicable avec un effet rétroactif au 1er janvier 2016, cette réforme devrait soulager selon le gouvernement fédéral les entreprises à hauteur de 600 millions d’euros par an.
En parallèle de l’approbation par le parlement est également attendu le résultat de la consultation de Bruxelles, qui pourrait éventuellement considérer que cette nouvelle réforme constitue une aide de l’État contrevenant aux règles communautaires, comme elle l’a fait avec l’une des exceptions de la loi anticrise de 2009 qui permettait le transfert des reports fiscaux déficitaires lorsqu’il s’agissait d’assurer la pérennité d’une entreprise en difficulté (« Sanierungsklausel ») ; cette clause a été considérée comme une subvention indirecte non autorisée par la Cour Européenne en février 2016.
Auteurs
Jean-Marc Fournier
Gabriel Arabyan