Introduction de l'impôt complémentaire international et report de la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés en Suisse

Au début du mois de septembre 2024, le Conseil fédéral a annoncé l'introduction de l'impôt complémentaire international selon la règle d’inclusion du revenu (Income Inclusion Rule - IIR) à partir du 1er janvier 2025. L'IIR complétera l’impôt complémentaire national (Qualified Domestic Minimum Top-Up Tax - QDMTT) qui est en vigueur depuis le 1er janvier 2024, tandis que le deuxième impôt complémentaire international, la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (Under-Taxed Payments Rule - UTPR), est reporté jusqu'à nouvel ordre.

Impact de l'introduction de l'impôt complémentaire international IIR pour les entreprises concernées

Avec l'introduction de l’IIR, la Suisse sera autorisée à prélever un impôt complémentaire international tant sur les bénéfices sous-imposés des filiales étrangères des groupes multinationaux suisses que des filiales étrangères des sociétés mères intermédiaires suisses entrant dans le champ d'application de Pilier 2. Par conséquent, pour les entités constitutives suisses concernées, cette nouvelle règle ajoutera une complexité supplémentaire à leurs obligations fiscales en Suisse à partir de 2025.

Pour rappel, les règles OECD/G20 sur l’imposition minimale de 15 % s'appliquent aux groupes d'entreprises multinationales (groupes d’EMN) dont le revenu consolidé dépasse le seuil de 750 millions d'euros (seuil devant être atteint sur au moins deux des quatre années précédant l'exercice fiscal concerné).

D'un point de vue juridique suisse, l'IIR fait partie de la même ordonnance fédérale sur l'imposition minimale des grands groupes (OLMin) qui régit à ce jour l’impôt complémentaire national, le QDMTT suisse. Seule différence, la date d'entrée en vigueur de chaque règle varie. Par conséquent, selon l’annonce du Conseil fédéral, l'entrée en vigueur de l'IIR à partir de 2025 nécessitera la modification de l'ordonnance fédérale OLMin.

État actuel des mesures en Suisse

Règles

Date d'entrée

Source légale

QDMTT suisse

1er janvier 2024 (effectif)

Ordonnance fédérale - OLMin

IIR

1er janvier 2025 (en attente)

UTPR

Retardé

Afin de se conformer aux règles Pilier 2 de l'OCDE/G20, l'ordonnance fédérale OLMin renvoie directement aux règles du modèle GloBE (Pilar 2 Model rules) pour le calcul de l'IIR. Ces étapes comprennent notamment la détermination du taux effectif d’imposition (Effective Tax Rate), le calcul de l’impôt complémentaire (Top-up Tax) ou l’exclusion de bénéfices fondée sur la substance (Substance-Based Income Exclusion).

Concernant le QDMTT suisse, les règles garantissent une imposition minimale de 15 % pour les groupes d’EMN ou les entités constitutives de groupes d’EMN étrangers situés en Suisse. Ainsi, la règle empêche un autre pays de prélever un impôt étranger sur les bénéfices suisses sous-imposés des entités constitutives suisse entrant dans le champ d'application.

La règle IIR, quant à elle, garantit l'imposition minimale de 15 % des bénéfices des entités constitutives basées à l’étrangers de groupes d’EMN suisses ou de sociétés mères intermédiaires suisses, si les entités constitutives en question ne sont pas soumises à l'imposition minimale à l'étranger. Par conséquent, en plus de l'application du QDMTT suisse (déjà en place), les groupes d’EMN ayant leur siège en Suisse et, dans certains cas, les sociétés holding intermédiaires suisses devront identifier toutes les filiales étrangères imposées en dessous de 15 % et payer l'impôt complémentaire en vertu de la règle IIR à partir du 1er janvier 2025.

Du point de vue des obligations fiscales suisses, l'identification du ou des contribuable(s) soumis à ces règles (IIR ou QDMTT suisse) peut s'avérer complexe pour les groupes concernés. Par exemple, dans le cas où plusieurs sociétés mères intermédiaires suisses d’un groupe d’EMN étrangers sont présentes en Suisse, il peut arriver que plusieurs d’entre elles soient soumises à l’IIR en Suisse, alors qu'une seule sera soumise au QDMTT suisse. Par conséquent, l'identification du ou des contribuables fiscaux en Suisse dans le cadre de Pilier 2 devrait être une des premières actions à entreprendre pour les groupes concernés.

Qu'en est-il de l'UTPR en Suisse ?

L'UTPR reste une mesure subsidiaire garantissant une imposition minimale de 15 % pour toutes les entités constitutives des groupes d’EMN, lorsqu'il n'existe ni de QDMTT ni de IIR dans une juridiction. Comme indiqué, la Suisse n'a pas l'intention d'introduire une telle règle pour le moment.

Comment la Suisse peut-elle rester attractive dans un monde Pilier 2 ?

Selon le Conseil fédéral, l'introduction de l’IIR permettra à la Suisse d'obtenir des fonds supplémentaires, qui pourront ensuite être utilisés pour renforcer l'attractivité du pays en tant que choix d’implantation d’une activité. En effet, d'autres pays (par exemple les États membres de l'UE, le Royaume-Uni, le Canada ou l'Australie) ont l'intention de mettre en œuvre les règles de l'UTPR à partir du 1er janvier 2025. Par conséquent, en l'absence de règles IIR en Suisse, d'autres juridictions auraient été en mesure d’imposer les bénéfices suisses conformément à leurs règles UTPR locales. La mise en œuvre des règles IIR offre donc une sécurité juridique aux contribuables fiscaux suisses pour l'avenir.

À côté de la mise en œuvre du projet Pilier 2 de l'OCDE/G20, d'autres mesures sont également discutées au niveau cantonal pour garantir l'attractivité de la Suisse. Par exemple, en mai 2024, le canton de Zoug a annoncé son intention d'introduire des mesures spécifiques en faveur des entreprises situées dans le canton. Ces mesures se concentrent sur trois axes : (i) les mesures sociales, (ii) les projets de durabilité et d'innovation et (iii) les subventions pour les entreprises. Selon les dernières informations, elles devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2026.

Un autre argument fort en faveur de la compétitivité de la Suisse est l'absence de règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (CFC). Ainsi, même avec un taux d'imposition minimum de 15 % pour les groupes d’EMN concernés par Pilier 2, la Suisse reste compétitive par rapport à d'autres pays qui appliquent des règles CFC avec un taux d'imposition effectif supérieur à 15 %.

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