Transition énergétique : Des politiques divergentes

L'Allemagne et la France continuent de défendre des positions divergentes sur des questions essentielles pour l'avenir énergétique de l'Europe comme le nucléaire, l'hydrogène ou la fin des véhicules thermiques.

Face au défi de la transition énergétique en Europe, les trajectoires adoptées par le couple franco-allemand diffèrent. Si chacun vise la neutralité carbone d’ici 2050 (et même 2045 pour l’Allemagne), une politique énergétique commune sous l’impulsion de l´Union Européenne semble encore irréaliste. Face à la hausse et la volatilité des prix de l’énergie et l’augmentation de la dépendance vis-à-vis des importations (mise en évidence par la guerre en Ukraine), les Etats européens font face à des défis communs, mais leur non-alignement rend les discussions et compromis au sein de l’Union Européenne d´autant plus complexes. Si la stratégie énergétique ambitieuse de l’Allemagne, connue sous le nom d´« Energiewende », a toujours eu pour objectif de promouvoir les énergies renouvelables, la France peine à se détacher de sa forte dépendance au nucléaire.

Le sujet du nucléaire divise depuis bien des années les pays européens. Alors qu´en Allemagne on assiste à la fin d’une ère avec la fermeture des trois dernières centrales nucléaires en avril 2023, le président Macron place le programme de relance accélérée du nucléaire au centre des ambitions de son second quinquennat, programme faisant écho au plan Messmer de 1974 (émergence de 58 réacteurs en à peine 15 ans). Ce retour du pro-atome provoque l’indignation des antinucléaires dans l’Allemagne d´Olaf Scholz. Indignation qui fait réagir Agnès Pannier-Runacher, ministre française de la transition énergétique, qui reproche à Berlin d´« importer massivement de l'énergie nucléaire française tout en rejetant toute législation européenne qui reconnaît la valeur du nucléaire en tant que source d'énergie à faible émission de carbone ».

Autre sujet de discorde au sein du tandem européen : l’hydrogène. Le 13 février 2023, Paris se réjouit de la décision prise par Bruxelles de placer à un niveau d’égalité l’hydrogène bas carbone produit à partir d’énergie nucléaire et l’hydrogène renouvelable, en obtenant l’appellation d´« hydrogène vert ». Cette décision ne ravit pas l´Allemagne et l´Espagne qui militent pour une définition plus restrictive de l’hydrogène vert, et contribue aux divisions européennes en termes de politique énergétique, dans un contexte déjà exacerbé par la guerre en Ukraine et la crise énergétique.

Face à l’urgence climatique, Bruxelles souhaitait interdire la vente de véhicules thermiques en 2035 dans le cadre du plan climat de la Commission européenne. Cette mesure devait permettre de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55% en 2030 par rapport à 1990. Mais, en mars 2023, à l’initiative des libéraux du parti FDP, et à la stupéfaction de tous, Berlin s´oppose en dernière minute à ce vote. L´Allemagne veut négocier une législation supplémentaire pour mettre en avant les carburants de synthèse. Quelques mois plus tard, Frans Timmermans, commissaire européen à l’Environnement, déclare avoir trouvé un compromis avec Berlin pour débloquer ce texte clé. Les véhicules thermiques, dès lors qu’ils utilisent des carburants neutres en termes d´émission de Co2, pourront être immatriculés après 2035.

Il est important pour l´Europe d´avancer de façon plus concertée et cohérente, afin d’affronter les défis énergétiques. Pour le moment, l´idée d´une politique énergétique européenne unique reste utopique, malgré certaines avancées récentes. Ainsi, les 9 et 10 octobre 2023 au sommet d´Hambourg, Berlin et Paris ont su trouver un compromis sur la réforme du marché européen de l’électricité et s´accorder sur le mode de fixation du prix du mégawattheure, non sans d'importantes négociations et concessions des deux côtés. Lors de la conclusion de cet accord entre les pays de l´Union Européenne, le 17 octobre, la France qui militait pour le maintien du nucléaire dans le nouveau mécanisme de prix a obtenu ce qu´elle souhaitait. Cependant, face aux craintes de l´Allemagne, Bruxelles s´assurera que la modernisation des 56 réacteurs d´EDF ne donne pas à la France un avantage illégitime, et ce conformément aux règles européennes de la concurrence.

Rédactrice : Marine Dantec

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