Les premières conséquences de la guerre en Ukraine pour l’Allemagne

La guerre en Ukraine a pris tout le monde par surprise, l’Allemagne n’y échappe pas.

Dès les premières heures de la guerre, un énorme élan de solidarité a vu le jour en se concrétisant par l‘accueil de nombreux réfugiés ukrainiens en Allemagne. De nombreuses initiatives ont été lancées avec une célérité impressionnante, notamment à travers les organisations rompues à gérer les situations exceptionnelles mais aussi grâce à d‘innombrables initiatives privées (individuelles ou au niveau des entreprises). La gare centrale de Berlin est devenue rapidement l’endroit où l’exode des réfugiés ukrainiens vers l’Allemagne ainsi que le soutien apporté par les Allemands a pu être observé de manière très concrète. A ce jour, la “Willkommenskultur” pour ces réfugiés fait l’objet d’une quasi-unanimité en Allemagne - il sera intéressant de suivre son évolution notamment si le départ des Ukrainiens de leur pays devait s’accentuer avec la poursuite de la guerre.

La guerre a conduit l’Allemagne à s’interroger dans de nombreux domaines. Le premier sujet sur lequel le nouveau chancelier Olaf Scholz s’est très rapidement positionné est celui de la Défense. Dès le 27 février, soit 3 jours après le début de la guerre, le chancelier a annoncé la création d’un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour moderniser l’armée allemande. Par ailleurs, la nouvelle coalition gouvernementale a également annoncé vouloir remplir son engagement, en tant que membre de l’Otan, de consacrer chaque année plus de 2% de son PIB aux dépenses militaires. A titre d’information, ce taux était de 1,53% en 2021. De manière générale, la guerre a conduit l’Allemagne et ses habitants à porter un regard différent sur son armée et à constater que des évolutions importantes sont sans doute nécessaires en termes d’équipement et d’effectifs (l’armée allemande compte actuellement moins de 200.000 soldats) mais aussi par rapport à sa politique de soutien et d’exportations militaires, l’Allemagne étant depuis la seconde guerre mondiale très réservée sur ce dernier sujet.

Un autre sujet important est celui de l’énergie. La guerre a mis en lumière la forte dépendance de l’Allemagne au gaz russe. Alors que l’Allemagne s’est désengagée du nucléaire et que la sortie du charbon est également prévue à moyen terme, le mix énergétique allemand repose actuellement sur le gaz à hauteur de 22%, dont 90% provient de l`étranger avec en tête 38% de gaz russe (suivi par la Norvège à hauteur de 34%). Dans ce contexte, l’Allemagne a lancé de nombreuses initiatives ces dernières semaines. Ainsi, l’Allemagne a annoncé son intention de construire plusieurs terminaux d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL) d’ici 2026. Par ailleurs, le ministre de l’économie (membre du parti écologiste Les Verts) a entrepris un voyage à la mi-mars un voyage dans la région du Golfe Persique, mais aussi en Norvège, afin de sonder les possibilités de diversifier à moyen et long terme les sources d’approvisionnement en énergie en Allemagne. L'Allemagne entend notamment accélérer le passage du gaz naturel conventionnel à l'hydrogène vert. Mais avec les incertitudes liées à la continuation de la guerre et son issue ainsi que des menaces de rupture d’approvisionnement en gaz russe, l’Allemagne travaille aussi sur les moyens de faire face à court terme à une diminution d’approvisionnement en gaz.

Par ailleurs, afin de faire face au renchérissement de la vie pour les ménages et les entreprises, et en particulier des coûts liés à l‘énergie, le ministère des finances allemand (occupé par le parti libéral FDP) a annoncé en mars un paquet de mesures représentant plus de 30 milliards d’euros d’aides et d’allègement. A partir de juillet 2022, la taxe de financement du développement des énergies renouvelables à la charge des ménages et des entreprises sera supprimée. Les autres principales mesures sont la diminution de la taxe sur les carburants à hauteur de 30 centimes pour le litre d’essence et de 14 centimes pour celui du diesel et ce pendant 3 mois, l’octroi d’un forfait imposable de 300 euros pour toute personne assujettie à l’impôt sur le revenu, la mise en place d’un forfait de 9 euros par mois pour les transports en commun ainsi que le versement de primes pour les plus modestes.

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Ce qui est sûr c’est que la guerre remet en question beaucoup de certitudes en Allemagne. Pour la petite note, il est très intéressant de voir ce que la guerre fait avec les partis de gouvernement de la coalition allemande : qui eut cru qu’un ministre vert se rende dans les pays du Golfe pour trouver une alternative au gaz russe et qu’un ministre libéral soit à l’origine de mesures de soutien fortes de l’Etat. La situation impose un pragmatisme évident – les observateurs suivront avec intérêt les évolutions à long terme de ces initiatives et des conséquences de la guerre sur l’économie et la politique allemandes et ainsi l’ampleur exacte du terme « Zeitwende » (« ournant » en français) utilisé par Olaf Scholz dans son discours du 27 février.

Auteur : Pierre Zapp

Sources :

Cet article fait partie de notre newsletter French Desk 1/2022. Vous trouver le numéro complet ici. Vous pouvez également vous abonner à cette newsletter ici.

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