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La mise en place de l’impôt à la source en France
Le prélèvement à la source peut en effet se révéler être un allié de taille pour tout État cherchant à collecter l’impôt plus régulièrement et s’assurer un meilleur recouvrement. Si la France a tardé et longtemps repoussé la mise en place du PAS, c’est parce que beaucoup se sont interrogés sur son efficacité tant l’imposition sur le revenu en France peut s’avérer complexe car très individualisée. Comment rendre par exemple le quotient familial – la plupart des autres pays comptabilisent les enfants à charge de façon forfaitaire – compatible avec cette nouvelle méthode de prélèvement ? Par ailleurs, se pose la question de la confidentialité des données personnelles de chaque salarié : en effet, de nombreux salariés voient d’un mauvais oeil la divulgation de leur taux d’imposition à leur employeur, car il donnerait des renseignements sur les autres revenus qu’ils ont perçus au cours de l’année.
Si ces questions ont longtemps été un frein à la mise en place du PAS en France, il n’en reste pas moins que tous les contribuables français verront dorénavant leur fiche de paie afficher leur salaire immédiatement accessible, à l’instar de leurs voisins allemands. La France s’est en effet inspirée du modèle allemand mais a dû aussi l’aménager pour tenir compte de ses propres spécificités.
La mise en place du PAS en France concerne tout d’abord certaines catégories de revenus. En effet, sont concernés par la nouvelle réforme les revenus issus d’une activité salariée, les revenus des indépendants et des agriculteurs, les revenus des retraités et de remplacement ainsi que les revenus fonciers. L’Allemagne a quant à elle fait le choix de ne recourir à ce mode de prélèvement que pour les revenus salariaux et ceux issus de capitaux mobiliers (de source allemande). Les contribuables ayant des revenus issus d’une autre activité doivent remplir en fin d’année une déclaration annuelle sur les revenus. En imposant le PAS à une plus large catégorie de revenus, la France souhaite homogénéiser et simplifier sa collecte de l’impôt sur le revenu.
Par ailleurs, il convient de souligner l’une des particularités des retenues fiscales sur les feuilles de salaire allemandes. En effet, en Allemagne, existe un impôt de solidarité (Solidaritätszuschlag) créé au départ pour financer la réunification et revenant à l’État fédéral. Cet impôt s’élève actuellement à 5,5% de l’impôt sur le revenu et est retenu à la source mensuellement sur les salaires. Par ailleurs, toute personne appartenant à une communauté religieuse doit s’acquitter d’un impôt au bénéfice des Eglises (Kirchensteuer) retenu mensuellement dont le taux varie entre 8 et 10% de l’impôt sur le revenu. L’impôt sur le revenu et la surtaxe de solidarité (ainsi que le Kirchensteuer) forment ce que l’on appelle en Allemagne, l’impôt sur le salaire (le Lohnsteuer).
En France comme en Allemagne, l’impôt sur le revenu est progressif en ce que son taux varie selon le revenu imposable du contribuable. Si les deux pays adoptent des taux différents en fonction de la classe de revenus (par exemple, le taux d’entrée en Allemagne est de 14% contre 5% en France), variant quelque peu entre les deux pays, la plus grande différence à noter entre les deux systèmes d’imposition demeure dans le mode de calcul.
En effet, la France est l’un des seuls pays à utiliser le système de quotient familial quand la plupart des autres pays européens qui pratiquent la retenue à la source ont fait le choix de compter les enfants à charge de manière forfaitaire. De cette façon, l’Allemagne applique un système de classe pour renseigner chacun sur sa situation familiale : elles sont au nombre de 6 et sont désignées sous le nom de Steuerklasse. Les contribuables sont répartis dans chacune de ces classes selon leur situation familiale (salarié célibataire, veuf, divorcé, etc.) et c’est l’appartenance à l’une de ces catégories qui permettra de calculer la retenue à la source.
En France, l’existence du quotient familial a longtemps été considérée comme un frein à la mise en place du PAS. En effet, comment instaurer un système de collecte de l’impôt aussi homogénéisé tout en conservant les multiples spécificités propres au quotient familial ? La contribution à l’impôt sur le revenu varie ici selon le nombre de parts du foyer fiscal et si les avantages fiscaux restent comparables pour les deux premiers enfants dans les deux pays, le système du quotient familial devient plus avantageux dès lors qu’un couple accueille un troisième enfant.
La pratique du prélèvement à la source en France a longtemps été une source de préoccupation pour de nombreux salariés craignant en effet la divulgation d’informations relatives à leur situation et patrimoine financiers auprès de leur employeur. En effet, le taux d’imposition prend en compte l’ensemble des revenus et est donc à même de renseigner l’employeur sur le niveau de revenu global de son salarié. Ainsi, la France a instauré 3 taux de prélèvement à la source de façon à préserver la vie privée des employés : le premier taux est dit « classique » et est appliqué à l’ensemble du foyer fiscal. Le second est dit « individualisé » en ce qu’il permet à chacun des membres d’un foyer fiscal de participer au paiement de l’impôt sur le revenu en fonction de ses revenus propres (ce taux est pertinent notamment lorsqu’il existe une grande différence de revenus entre les conjoints). Enfin, le troisième taux est le taux dit « neutre » et présente l’intérêt de ne pas divulguer le taux d’imposition réel du contribuable à l’employeur. Celui-ci est calculé sur l’unique base de la rémunération versée par l’employeur. Ce taux nécessite en revanche une régularisation de sa situation avec l’administration fiscale selon que le prélèvement est trop ou pas assez important.
En Allemagne, les habitants d’une commune reçoivent tous les ans une carte fiscale qu’ils doivent transmettre à leur employeur afin qu’il note les revenus perçus dans l’année. La majorité des actifs n’a connu que le PAS comme méthode de collecte de l’impôt sur le revenu et beaucoup y voient des avantages, au premier rang desquels le fait de voir apparaitre leur revenu immédiatement disponible.
En France ou en Allemagne, l’instauration du prélèvement à la source n’a pas supprimé définitivement la traditionnelle déclaration des revenus.
Ainsi, en Allemagne, si les contribuables souhaitent obtenir des déductions fiscales (garde d’enfant, travaux, etc.), ils doivent remplir une déclaration de revenus au terme de l’année civile. Par ailleurs, il est à noter que les contribuables allemands sont généralement invités à remplir une déclaration en fin d’année pour savoir s’ils ont droit à un remboursement : en effet, dans bon nombre de cas, ces déclarations débouchent sur un ajustement du calcul de l’impôt et in fine sur un remboursement. Par exemple, en 2013, 11,5 millions de contribuables qui ont rempli une déclaration ont recouvré une partie de l’argent versé à l’Etat.
En France, le PAS n’a également pas modifié l’obligation de faire une déclaration de revenus. Seront également toujours pris en compte les déductions, réductions et crédits d’impôt. La déclaration des revenus permettra également aux contribuables français de régulariser certaines de leurs situations. En effet, comme en Allemagne, le calcul de l’impôt sur le revenu est complexe et le montant affiché après calcul du PAS peut s’avérer incorrect, nécessitant ainsi une régularisation annuelle spécifique.
S’il est encore difficile de trancher ou non sur l’efficacité du PAS en France, il est bon de souligner que sa mise en place en Allemagne n’a pas simplifié la déclaration fiscale des contribuables allemands. Et pour cause, la déclaration des revenus est si complexe que beaucoup doivent souvent avoir recours à des conseillers fiscaux. La complexité de la déclaration repose d’ailleurs plus sur les modalités de détermination de l’impôt que sur le dispositif du PAS. Certes, l’aide de fiscalistes peut avoir un coût mais peut aussi s’avérer nécessaire lorsque les revenus sont trop compliqués. Quant à la France, seul l’avenir pourra dire si l’alignement de cette méthode de collecte de l’impôt sur son homologue allemand remporte l’adhésion de tous. Pour l’heure, le gouvernement français réfléchit déjà à une simplification des démarches pour les contribuables n’ayant aucune modification de revenus d’une année sur l’autre en rendant facultative leur déclaration de revenus.
Auteur : Constance Spiridion
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