Un sujet actuel : L'Allemagne face à la hausse du nombre de travailleurs pauvres

L’Allemagne est souvent perçue comme un modèle économique à suivre, en particulier grâce à sa forte croissance, ses excédents commerciaux élevés, son équilibre budgétaire et son bas taux de chômage qui a atteint un nouveau record (5,6%) au mois de septembre 2017. Pour la première fois depuis la réunification en 1990, il y a moins de 2,5 millions de chômeurs.

Il peut donc paraître étonnant que le Fonds Monétaire International (FMI) ait averti l’Allemagne du risque d’augmentation de pauvreté. En effet, la chute du chômage s’accompagne paradoxalement d’un accroissement du nombre de travailleurs pauvres. Selon la définition retenue, les travailleurs pauvres sont des personnes dont le revenu est inférieur à 60% du  médian. En Allemagne, cela correspond à 869 euros net par mois pour un travailleur seul et 1.826 euros pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans.

Une étude récente réalisée dans 18 pays européens par l’Institut de recherche économique et sociale (WSI)1 a mis en évidence qu’un actif sur dix est considéré comme pauvre en Allemagne. En fait, le nombre des travailleurs pauvres a doublé entre 2004 et 2014.

La réforme Hartz IV, introduite par Gerhard Schröder le 1er janvier 2005, avait profondément modifié le système d'assu-rancechômage. Outre la réduction du nombre de mois de leur indemnisation, les chômeurs ont dû accepter les propositions d'emplois qui leur étaient faites. Sur le fond, le dispositif a atteint son objectif : le taux de chômage est au plus bas depuis la réunification allemande.

L’évolution positive du marché de travail allemand a été rendue possible par le recours important à l’emploi atypique, tel que l’emploi à temps partiel, notamment dans le secteur des services et pour les postes présentant de bas salaires (mini-jobs et recours à l’interim). Les postes présentant des salaires bas sont en augmentation continue du fait principalement de la déréglementation du marché de travail, de la réduction des avantages sociaux et du renforcement général des règles d'acceptabilité d'un emploi. Les mesures incitant les chômeurs à accepter un travail mal rémunéré ou avec un nombre limité d'heures conduisent à une hausse des travailleurs pauvres.

L’endiguement des postes à bas salaires est un des défis importants qui se présente à l’Allemagne. L’introduction du salaire minimum introduit le 1er janvier 2015 a constitué une première étape dans la réduction du risque de pauvreté au sein de la population active. De nombreux observateurs exigent le renforcement des possibilités pour la qualification professionnelle et la formation des employés faisant parti du segment des emplois à bas salaire. D´autre part, ils recommandent une hausse des prestations Hartz IV ainsi qu’un désamorçage des sanctions liées aux règles d'acceptabilité d'un emploi.

La situation du marché du travail s´est retrouvée au cœur du débat lors des élections législatives allemandes. Martin Schulz, élu au printemps à la tête du Parti social-démocrate allemand (SPD), avait lancé sa campagne en proposant de corriger les réformes libérales du marché du travail menées par l’exchancelier SPD Gerhard Schröder. Il sera intéressant d’observer comment ce sujet sera traité dans le cadre de la constitution de la nouvelle coalition gouvernementale issue des élections de septembre 2017, en particulier si cette coalition devait être constituée du CDU/CSU, des « Grünen » et du FDP.

Auteur

Katrin Bonk

Sources :

 1 Le WSI appartient à la Fondation Hans Böckler qui est proche des syndicats.