Un sujet comptable: Agent commercial: L'indemnité de clientèle dans le contexte Franco-Allemand
L'indemnite clientele Fran.-Allem.
A ce titre des différences importantes existent entre les deux cadres juridiques, que nous proposons d’analyser dans cette étude. Il faut noter qu’à la différence du modèle français, qui conduit à la réparation d’un préjudice (d’où le terme « Indemnité de clientèle »), le modèle allemand a plus une vocation compensatoire («Ausgleichsanspruch»). Lorsque nous nous réfèrerons au modèle français, nous parlerons d’indemnité, et de compensation pour le modèle allemand.
Défini en droit français et allemand comme un intermédiaire indépendant, l’agent commercial est chargé de transmettre les contrats à l’entreprise, et est payé tout ou en partie à la commission. A la suite d’une rupture du contrat du fait de l’entreprise, celui-ci pourra prétendre à une indemnisation / compensation par voie post-contractuelle.
Ce mécanisme existe en droit français et en droit allemand, tel qu’il résulte de la transposition de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, qui s’est fortement inspirée du droit allemand.
Une comparaison de la transposition en droit interne nous permet de constater que le niveau de protection atteint est comparable en France et en Allemagne. Toutefois les systèmes diffèrent :
i. Dans leurs fondements et par leurs conditions d’octroi
ii. Par les cas d’indemnisation voire de compensation;
iii. Et par leurs montants.
(i) Un fondement et des conditions d’octroi différentes:
Donnent lieu à « indemnisation » en Allemagne comme en France:
- la résiliation du contrat à l’initiative de l’entreprise, ou de l’agent (pour des raisons telles que la maladie, l’âge ou le comportement fautif de l’entreprise) ;
- l’arrivée du terme avec absence de prolongation du contrat en cas de contrat à durée déterminée ;
- et même la mort de l’agent,
dès lors:
- que l’entreprise continue à tirer des avantages substantiels de la clientèle créée par l’agent après la fin du contrat ;
- et que le paiement de l’indemnité soit équitable.
En France l’octroi de l’indemnité relève des règles de la responsabilité contractuelle. Elle est par conséquent conditionnée par l’existence d’un fait générateur (que constitue ici la cessation des relations contractuelles), d’un préjudice réparable et d’un lien de causalité entre dommage et fin du contrat. De la même manière en droit allemand, l’octroi de l’indemnité est subordonné à la dénonciation du contrat car c’est ce changement de situation qui rend l’agent vulnérable.
Le droit français se distingue en revanche en ce qu’il fait correspondre l’indemnité au préjudice, notion qui permet une large prise en compte des intérêts de l’agent en application du principe de la réparation intégrale.
L’optique rémunératrice de la compensation en droit allemand implique que ne sont prises en compte que les prestations fournies par l’agent.
Ces différents mécanismes d’indemnisation conduisent néanmoins à un niveau de protection comparable au vue de la situation de l’agent en fin de contrat.
(ii) Les cas d’indemnisation voire de compensation:
En Allemagne comme en France, la « cessation des relations contractuelles » est la condition première à l’octroi d’indemnités ou d’une compensation. L’acception en est plutôt large dans les deux pays dans la mesure où pratiquement tous les cas de fin de contrats sont visés. Néanmoins, l’ « indemnité » est exclue dans certaines circonstances:
- lorsque la résiliation à l’initiative de l’agent n’est pas fondée sur des raisons de santé, d’âge ou ne fait pas suite à une faute de l’entreprise;
- lorsque l’entreprise a résilié le contrat suite à un comportement répréhensible de l’agent (faute grave en France);
- ou enfin lorsque le contrat est transmis à un tiers.
La faute grave est interprétée en France de manière restrictive comme "celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel". L’interprétation est similaire en Allemagne.
(iii) Le montant de l’indemnisation (France) voire de la compensation (Allemagne).
Le montant de l’indemnité voire de la compensation est estimé:
- en France selon une jurisprudence constante à environ deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années de contrat,
- tandis qu’en Allemagne le montant maximal de la compensation s’élève à la moyenne annuelle des commissions perçues par l’intermédiaire au cours des cinq dernières années.
L’indemnité recouvre en France à la fois les éléments du préjudice de l’agent liés au passé (l’amortissement des frais et dépenses engagés par l’agent pour l’exécution du contrat, la perte de la clientèle préexistante au contrat d’agence) et au futur (la perte de revenus qu’il aurait perçus si son activité s’était poursuivie normalement, la perte de la clientèle prospectée). En Allemagne, ne sont pris en compte que les éléments liés au futur, ce que traduit la condition d’avantages étant perçus par l’entreprise encore après la fin du contrat.
Le montant d’indemnité est donc très supérieur en France. Précisons qu’en droit allemand la compensation vise à rémunérer l’agent pour ses prestations contractuelles et n’exclut donc pas une action en réparation du préjudice subi par l’agent.
Fiscalement :
En Allemagne, l’octroi de la compensation constitue une charge pour l’entreprise (« Betriebsausgabe ») déductible du résultat de l’exercice au cours duquel la compensation est attribuée ; il convient toutefois d’analyser le contrat d’agent afin de s’assurer qu’un actif (clientèle) ne serait pas à activer. Pour l’agent commercial, la compensation est un revenu taxable : cependant afin d’atténuer la progressivité de l’impôt sur le revenu le législateur a prévu un régime de faveur permettant d’étaler le revenu sur une période de 5 années.
En France l’octroi de l’indemnité est toujours à considérer comme une charge de période. Pour l’agent commercial l’indemnité de clientèle suit le régime fiscal des indemnités de licenciement et la part qualifiée de dommages et intérêts est exonérée.