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Le litige (arrêt 9C_635/2023) portait sur la demande de remboursement de l’impôt anticipé prélevé sur les intérêts de deux emprunts fédéraux suisses par un établissement financier danois. Cet établissement disposait d’un excédent de liquidités en USD et, dans le cadre de sa stratégie d’investissement, avait acquis les emprunts. Le montant nécessaire à l’acquisition des obligations avait été converti de USD en CHF, générant ainsi un risque de change en CHF. Afin d’éliminer ce risque, des swaps de devises croisées (« cross-currency rate swaps ») avaient été conclus avec des banques d’investissement, les conditions et les échéances des swaps étant alignées sur celles des emprunts.
L’établissement financier a demandé le remboursement de l’impôt anticipé, en se fondant sur la convention de double imposition conclue entre la Suisse et le Danemark (CDI CH-DK), qui attribue à ce dernier le droit exclusif d’imposer les intérêts.
Cependant, l’Administration fédérale des contributions (AFC) et le Tribunal administratif fédéral (arrêt A-2121/2020) ont rejeté la demande. Bien que l’établissement soit domicilié au Danemark, il n’a pas été reconnu comme le « bénéficiaire effectif » des intérêts des emprunts fédéraux. Selon les deux instances, le mécanisme des swaps de devises croisées a entraîné la perte de la qualité de bénéficiaire effectif, empêchant ainsi l’établissement de bénéficier des avantages de la convention.
Conformément à la CDI CH-DK, la « qualité de bénéficiaire effectif » des intérêts en question est une condition préalable au remboursement de l’impôt anticipé prélevé. Le bénéficiaire effectif est défini comme la personne qui a le droit de disposer des intérêts et de les utiliser sans restriction. Lorsqu’il existe une obligation contractuelle ou légale de transférer les intérêts reçus à une tierce partie non éligible au bénéfice de la convention, le bénéficiaire perd cette qualité.
Une obligation de paiement est considérée comme préjudiciable à la qualité de bénéficiaire effectif si elle dépend du fait que le bénéficiaire perçoit effectivement les revenus ou si le montant du paiement est déterminé par ces revenus.
Le Tribunal fédéral a conclu que, dans cette affaire, l’établissement financier aurait été tenu d’effectuer les paiements dans le cadre des swaps de devises croisées, même si la Confédération n’avait pas honoré ou avait partiellement manqué à ses obligations de paiement des intérêts sur les emprunts. En supportant ce risque de défaut de paiement, les obligations de paiement liées aux swaps ne constituaient pas une obligation de transfert préjudiciable. Cette distinction est essentielle, en particulier par rapport aux « total return swaps » et à des opérations similaires, où les obligations de paiement du bénéficiaire prennent fin lorsque les revenus soumis à l’impôt anticipé ne sont pas perçus.
Le Tribunal fédéral a également précisé que la Suisse n’a pas l’obligation internationale de garantir automatiquement le remboursement de l’impôt anticipé, même si la qualité de bénéficiaire effectif est reconnue conformément à la convention. Le remboursement peut être refusé en cas d’abus de convention.
L’abus de convention survient lorsque les avantages conventionnels profitent indirectement à une partie non éligible, et que la Suisse, agissant de bonne foi, n’aurait pas accordé de tels avantages à un contribuable suisse dans une situation comparable. Selon le droit fiscal suisse, un abus de convention correspond généralement à une évasion fiscale, qui se caractérise par :
Dans le cas présent, la question de l’existence d’un abus de convention a été renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour une évaluation complémentaire.
La décision du Tribunal fédéral apporte une clarté juridique essentielle, notamment en confirmant que les bénéficiaires de revenus impliqués dans des opérations de swap ne perdent pas automatiquement leur qualité de bénéficiaire effectif – et donc les avantages prévus par les conventions de double imposition. Cette décision souligne la nécessité de distinguer la notion de bénéficiaire effectif de celle d’abus de convention, qui doivent être évaluées de manière indépendante.
Il reste à voir si le remboursement sera effectivement accordé, le Tribunal administratif fédéral devant encore déterminer s’il y a ou non abus de convention.
Sur la base des principes énoncés par le Tribunal fédéral, les remboursements de l’impôt anticipé sur les titres suisses devraient, à l’avenir, être possibles, tant que le bénéficiaire des revenus dans l’État contractant assume le risque de défaut lié aux titres et que leur acquisition ne repose pas uniquement sur des motifs fiscaux.
Pour les investisseurs en titres suisses, il est recommandé d’évaluer les risques fiscaux potentiels avant de conclure des opérations de swap ou des transactions similaires. L’arrêt fournit des indications précieuses sur les conditions dans lesquelles les avantages des conventions pourraient être refusés.
Article rédigé par André Kuhn, Yann Waeber, Dominique Roggo and Grégory Sarbach
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