Dénonciations spontanées : Un délai arbitraire
Une date butoir au 30 septembre 2018 a été fixée pour les dénonciations spontanées. Les contribuables disposant d’avoirs non déclarés doivent très vite examiner leur situation.
Serge Migy, associé responsables des activités fiscales et juridiques et Deborah Joye, Senior Manager
L’Administration fédérale des contributions a annoncé récemment l’application d’une date butoir au 30 septembre 2018 pour les dénonciations spontanées non punissables en lien avec l’échange automatique de renseignements. Cette date limite ne repose sur aucune base légale mais la prise de position du fisc fédéral risque de codifier les futures pratiques cantonales.
Ainsi, en cas de détention d’avoirs mobiliers (comptes bancaires, etc.) ou immobiliers non déclarés, les règles fiscales fédérales et cantonales permettent aux contribuables de se mettre en règle avec le fisc en faisant la démarche d'une dénonciation spontanée. Dans la mesure où il s’agit pour le contribuable d’une première dénonciation spontanée et que toutes les conditions sont respectées, aucune poursuite pénale ne sera engagée et tout prononcé d’amende sera ainsi évité. Le rattrapage d’impôt portera uniquement sur l’impôt soustrait durant la période non prescrite et les intérêts moratoires. Pour éviter toute amende, le contribuable doit cependant répondre à plusieurs conditions :il doit s’agir d’une première dénonciation spontanée ; aucune autorité fiscale ne doit déjà avoir connaissance de la soustraction au moment de la dénonciation ; le contribuable doit collaborer sans réserve à l’établissement des éléments de fortune et de revenu soustraits ; et, enfin, il doit s’efforcer de s’acquitter du rappel d’impôt dû.
La problématique posée par l’échange automatique de renseignements et ses effets collatéraux en matière de régularisation fiscale
De nombreux Etats dont la Suisse ont adopté la nouvelle norme sur l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (EAR). La mise en place de ce nouveau standard international entraîne, de façon collatérale, une importante hausse des régularisations fiscales des contribuables suisses. En effet, la Suisse va implémenter l’EAR avec différents pays pour la première fois dès cette année.
Concrètement, la Suisse recevra des informations des pays étrangers sur les contribuables domiciliés dans notre pays qui possèdent des comptes bancaires dans ces pays et avec lesquels la Suisse a conclu un accord d’échange automatique (de la même façon, la Confédération livrera des informations similaires aux fiscs étrangers pour autant qu’un accord existe avec les pays étrangers en question). D’un point de vue technique et en principe, les renseignements obtenus seront à disposition des fiscs cantonaux au plus tard en septembre 2018. La façon dont cette « transmission » aura lieu reste, aujourd’hui encore, relativement obscure. Mais il peut être compris que dès cette date, les fiscs cantonaux pourront accéder aux données communiquées par les autres pays à l’Administration fédérale des contributions (AFC).
Dans ce cadre, l’AFC a pris récemment position sur la question de l’existence d’une éventuelle date butoir pour procéder à une dénonciation spontanée concernant des éléments imposables étrangers soustraits soumis à l’EAR (prise de position du 13 septembre 2017). Selon le fisc fédéral, il ne sera plus possible à partir du 30 septembre 2018 de déclarer spontanément par dénonciation non punissable ces éléments fiscaux (seule une dénonciation punissable est envisageable). Dans sa prise de position, l’AFC semble sous-entendre que passé cette « deadline » de fin septembre 2018, les caractères de spontanéité et de non connaissance de l’infraction par le fisc feront défaut, rendant de facto impossible l’acceptation d’une dénonciation spontanée non punissable. À noter que cette date de fin septembre, s’applique par analogie aux nouveaux pays qui rejoindraient l’EAR par la suite en fonction de l’année durant laquelle l’échange commencerait.
La prise de position de l’AFC a déjà été critiquée par certains commentateurs. Son interprétation de la condition légale selon laquelle les autorités fiscales ne doivent pas avoir « connaissance » de la soustraction, au moment de la dénonciation, est assurément très extensive. En effet, l’AFC semble considérer que de disposer de données sur un serveur informatique, sans forcément qu’une intervention humaine ait eu lieu pour analyser ces données et prendre position (existence ou non d’un cas de soustraction), suffit pour admettre que le fisc a connaissance de la soustraction. Par ailleurs, nonobstant le fait que les contribuables sont indirectement poussés à se régulariser au vu du nouvel environnement juridique, il est relativement difficile à comprendre en quoi le caractère spontané pourrait disparaître à compter d’une certaine date (30 septembre 2018).
Au vu de ce qui précède, la question de l’admissibilité de certaines dénonciations spontanées non punissables risque à l’avenir d’être tranchée par les tribunaux. En effet, il est illusoire de penser que toutes les situations pourront faire l’objet de dénonciations spontanées d’ici à fin septembre 2018. Par ailleurs, la qualité des informations qui seront transmises par les autorités fiscales étrangères reste à prouver (exhaustivité, exactitude, etc.). De même, il peut sembler illusoire que tous les pays concernés par l’EAR auront satisfait aux exigences d’échange en temps et en heure. Ainsi, le délai du 30 septembre pourrait s’avérer totalement arbitraire pour un certain nombre de cas.
Cela étant dit, tous les contribuables disposant d’avoirs non déclarés devraient examiner leur situation dans les plus brefs délais. Il est à relever qu’il est tout à fait envisageable de procéder à une dénonciation spontanée en annonçant, dans un premier temps, le contexte factuel et de produire, dans une seconde étape, tous les éléments chiffrés et pièces justificatives à l’appui. Dans un tel cas de figure, le fisc devrait en principe retenir comme date critère de dépôt la déclaration d’annonce.