Le Conseil fédéral adopte le pilier 2 : l'imposition minimale de l'OCDE mise en œuvre en Suisse à partir de 2024
Le Conseil fédéral adopte le pilier 2
Quelles entreprises sont concernées ? A quoi faut-il prêter attention ? Voici un premier éclairage sur les concepts-clés de ce nouvel impôt complémentaire suisse.
L’impôt complémentaire national s’applique-t-il à toutes les entités localisées en Suisse ?
L’ordonnance fédérale sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises (OLMin) prévoit de soumettre à l’impôt complémentaire national uniquement un cercle restreint de contribuables suisses, à savoir les entités qui remplissent les exigences imposées par les règles types GloBE édictées par l’OECD/G20 (voir question suivante).
Pour les autres contribuables non concernés par cet impôt, ces derniers continueront à être imposés au taux d’impôt habituel du canton de résidence.
Quelles entités sont concernées par cet impôt ?
L’impôt complémentaire national s’applique aux entités constituantes suisses de groupes multinationaux dont les revenus consolidés dépassent le seuil de 750 millions d'euros (sur au moins deux des quatre années précédant l’année fiscale concernée).
A noter qu’il convient aussi de vérifier si le pays où se trouve la société mère ultime du groupe a prévu d’introduire un seuil plus bas que 750 millions d’euros, auquel cas ce sera ce dernier qui s’applique également aux entités constitutives situées en Suisse.
Comment est calculé l’impôt ?
L’ordonnance fédérale fait un renvoi direct aux règles types GloBE en matière de calcul de l’impôt complémentaire national. Un groupe devra donc suivre la même méthode que les normes relatives à la règle d’inclusion du revenu (IIR) afin de déterminer l’impôt complémentaire national. Ces étapes requièrent tant la détermination du taux effectif d’imposition (Effective Tax Rate), le calcul de l’impôt complémentaire (Top-up Tax) que l’exclusion de bénéfices fondée sur la substance (Substance-Based Income Exclusion).
La détermination du taux effectif d’imposition est déterminée par juridiction et non par entité dans une même juridiction. Cette précision est particulièrement importante en Suisse car les taux d’imposition sur le bénéfice et le capital diffèrent d’un canton à l’autre. Ainsi, lorsque les activités des sociétés suisses sont réalisées dans plusieurs cantons, le groupe peut bénéficier de cette variation d’impôts en déterminant le taux effectif d’imposition du groupe en Suisse selon les prescriptions prévues par les règles types GloBE.
Enfin, si l’impôt complémentaire national d’un pays remplit les conditions du régime de protection « QDMTT Safe Harbour » au regard des règles types GloBE (ce qui est le cas pour la Suisse, selon l’avis du Conseil fédéral), un groupe multinational sera autorisé à n’effectuer qu’un seul calcul en vertu de l’impôt complémentaire suisse (QDMTT) et éviter ainsi un deuxième calcul complexe en vertu des règles types GloBE.
Quelle norme comptable appliquer ?
L’impôt est en principe calculé sur la base des comptes annuels établis selon la norme Swiss GAAP RPC, pour autant que toutes les entités constitutives suisses présentent leurs comptes annuels selon cette norme comptable et qu’ils soient contrôlés par un organe de révision externe. Dans le cas contraire, il conviendra d’utiliser la norme comptable de la société mère ultime du groupe (par. ex. IFRS).
Existe-t-il des exceptions au calcul de l’impôt complémentaire national ?
Avant de se lancer dans un calcul détaillé de l’impôt complémentaire national, il est impératif de vérifier si les entités rattachées en Suisse peuvent bénéficier du régime de protection CbCR (Country-by-Country-Reporting) temporaire.
Ce régime est valable pour toutes les années fiscales s’achevant avant le 30 juin 2028 et permet d’alléger les contribuables du calcul détaillé de l’impôt complémentaire national.
Pour cela, le groupe doit prouver qu’il atteint le montant de l’impôt minimal en Suisse en recourant à une des méthodes simplifiées basées sur les données CbCR :
- Seuil minimal : le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions d’euros et le bénéfice est inférieur à 1 million d’euros en Suisse.
- Règle de substance : déduction de substance, à savoir 5% sur les actifs corporels et les charges salariales – au début de l’application des règles type GloBE, ce taux est de 10% sur les charges salariales et de 8% sur les actifs corporels (taux dégressif).
- Règle du taux d’imposition effectif : la charge fiscale s’élève, en fonction de l’année fiscale, à au moins 15% (à partir de 2025 : 16% ; 2026 : 17%).
Si l’une des conditions ci-dessus est remplie, l’impôt complémentaire national est considéré comme nul. A noter que si pour une année le groupe décide de ne pas appliquer l’un des tests susmentionnés ou ne remplit plus les conditions, il perd son droit à faire valoir ce régime de protection par la suite.
Qui doit remplir les obligations fiscales en Suisse ?
Le (nouveau) principe « one-stop shop » s’appliquera pour la déclaration et le prélèvement de cet impôt. C’est au groupe de déterminer en application de l’ordonnance fédérale quelle entité suisse est le contribuable qui est assujetti à l’impôt complémentaire pour toutes les entités du groupe rattachées fiscalement à la Suisse.
Par exemple, dans le cas où aucun impôt complémentaire international n’est applicable en Suisse (ce qui est le cas pour la période fiscale 2024), l’entité constitutive « la plus importante sur le plan économique » sera assujettie à l’impôt complémentaire national pour toutes les entités concernées rattachées fiscalement à la Suisse. Ce critère se définit par l’entité constitutive suisse présentant le bilan moyen le plus élevé sur la base des trois derniers comptes annuels (sans tenir compte des participations).
Autre nouveauté, le canton compétent pour taxer et percevoir l’impôt est celui auquel l’entité constitutive assujettie est rattachée fiscalement au début de l’année fiscale contrairement à la règle qui prévaut pour l’impôt fédéral direct, i.e., le rattachement fiscal en fin d’année fiscale qui fait foi.
Y-a-t-il une imputation de cet impôt entre les entités suisses concernées ? Y-a-t-il un risque fiscal en cas de mauvaise imputation ?
L’impôt complémentaire national doit être imputé aux entités suisses concernées selon des clés de répartition définies directement dans l’ordonnance fédérale.
Si une entité constitutive assume un impôt complémentaire qui ne lui est pas imputé, l’impôt doit lui être remboursé par l’entité constitutive qui aurait dû supporter cet impôt. Dans un tel cas, il n’y aura pas de risque de reconnaissance d’une prestation appréciable en argent ou d’un apport de capital par les autorités fiscales.
Toutefois, en cas d’absence de remboursement, les autorités fiscales suisses pourront considérer une prestation appréciable en argent ou un apport dissimulé de capital auprès de l’entité constitutive qui aurait dû effectuer le remboursement avec de possibles conséquences fiscales en matière d’impôt anticipé et droit de timbre d’émission.
Enfin, quel délai pour remettre la déclaration fiscale ?
La première déclaration GloBE Information Return (GIR) devra être déposée au plus tard au 30 juin 2026 (soit 18 mois après le dernier jour de l’année fiscale considérée). Pour les années subséquentes, le délai de dépôt est de 15 mois après le dernier jour de l’année fiscale considérée.
Nos recommandations
L’introduction de ce nouvel impôt pose un certain nombre de questions de fond mais aussi pratiques. Les groupes concernés doivent tout d’abord bien délimiter le périmètre d’application de cet impôt complémentaire national qui se base sur les règles types GloBE.
Une anticipation de la collecte de données et de la préparation du rapport CbCR, en parallèle de la clôture des comptes de l’année concernée est primordiale afin de pouvoir bénéficier du régime de protection CbCR temporaire et éviter ainsi un calcul complet de l’impôt.
Finalement, il est recommandé aux groupes concernés de vérifier dans les prochaines semaines si leur rapport CbCR répond bien aux exigences posées par les règles types GloBE, notamment s’agissant de la norme comptable utilisée par le groupe.
Certains aspects de ce nouvel impôt complémentaire s’avérant très complexes, nous sommes à votre disposition pour vous aider à naviguer dans ce nouvel environnement législatif.