Le secteur financier, un acteur majeur de la responsabilité sociétale des entreprises
Stefan Müller et Audrey Cauchet, Mazars
Responsabilité sociétale des entreprises: l’investissement durable se développe grâce au dialogue approfondi entre tous les acteurs du secteur
Le concept de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) n’est pas nouveau en soi mais son caractère protéiforme revêtant une dimension sociale, économique, environnementale et éthique, complexifie son approche et les réponses concrètes à y apporter.
Le secteur financier fait sans nul doute partie des principaux acteurs du changement que notre société doit opérer et même s’il reste encore un long chemin à parcourir, il convient d’admettre que ces dix dernières années ont été jalonnées d’avancées significatives, à l’image de la COP21 en décembre 2015 qui a permis d’aboutir à l’Accord de Paris sur le climat et aux 17 objectifs de développement durable énoncés par l’ONU dans son Agenda 2030 que la Suisse a ratifiés.
Particuliers et investisseurs sont de plus en plus sensibles aux enjeux en matière de RSE, ce qui incite indéniablement le secteur financier à renforcer son engagement, notamment pour se prémunir de son risque de réputation (rapport qualité/prix des produits et services, gouvernance éthique et transparente, équité des salaires et santé au travail mais aussi profitabilité et perspectives de croissance). Un impact est également à prévoir en termes de risque de crédit : de mauvaises pratiques dans le domaine de la RSE pourraient affecter la performance des entreprises, ce qui dégraderait leur notation et augmenterait le risque de défaut.
Contrairement aux instances législatives européennes, les autorités suisses n’envisagent pas à ce jour de mettre en place un cadre législatif strict. Cependant, il est important de rappeler que l’économie suisse est très intégrée à la mondialisation et qu’il est donc nécessaire qu’elle tienne compte des évolutions règlementaires aux niveaux européen et international.
La mise en place de standards règlementaires ne représente pas pour autant la seule voie envisageable. L’adoption par la Suisse d’une démarche volontariste peut aussi s’avérer efficace. Ainsi, le Conseil fédéral avait soutenu en 2014 la création de la Swiss Sustainable Finance dont l’objectif est de prendre en compte les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans le domaine financier, renforçant ainsi la réputation de la Suisse en son sein et vis-à-vis des pays tiers. Dans la même lignée, l’ex-conseillère fédérale, Doris Leuthard, avait insisté lors de la COP24 à Katowice sur le besoin de transparence et la prise en compte de données qualitatives pour que la Suisse honore ses engagements.
Un tel paradigme nécessite par conséquent d’impliquer tous les acteurs, qu’il s’agisse des établissements bancaires, assureurs, investisseurs privés ou institutionnels, gestionnaires d’actifs, clients...
Si nous nous focalisons sur le secteur bancaire suisse, certains établissements publient déjà des rapports spécifiques sur les critères ESG ou les investissements responsables mais ils restent encore une minorité. À titre illustratif, le World Wide Fund (WWF) avait réalisé en 2017 un benchmark des banques de détail suisses, mettant en exergue des zones d’amélioration, voire des lacunes sur trois différents volets que sont la gouvernance, les placements et les financements.
Néanmoins, l’absence de rapport extra-financier ne signifie pas pour autant que les banques suisses ne sont pas engagées. Nombre d’entre elles ont d’ailleurs développé leur propre référentiel interne sur les aspects environnementaux pour identifier les actifs verts dans leurs différents portefeuilles clients. Le milieu académique et associatif est particulièrement actif mais d’autres initiatives méritent aussi d’être soulignées. Dans le domaine de la labellisation et des notations, la Suisse a par exemple rejoint la communauté internationale B Corp qui développe des certifications et des programmes de formations ou des indices tel le SXI Switzerland Sustainability 25, autrement dit des mesures concrètes démontrant que la RSE ne doit en aucun cas se concevoir uniquement comme un outil de promotion ou de communication.
La multiplication des articles sur la thématique RSE et les nombreux débats qu’elle suscite laisse entrevoir une prise de conscience générale et donc des changements majeurs. Parmi les dernières avancées, nous pouvons d’ailleurs citer la consultation en cours jusqu’au 31 mai 2019 relative aux Principles for Responsible Banking de l’UNEP-FI. Ces principes, au nombre de 6, ont pour objectif de montrer la valeur ajoutée des produits et services bancaires vis-à-vis des clients et des investisseurs, répondant ainsi à cette volonté de transparence. Nous pouvons citer le principe d’impact consistant à déterminer des critères de performance pour réduire les impacts négatifs, augmenter les impacts positifs ou créer de nouveaux produits financièrement responsables. Il existe encore un fossé entre les financeurs et les porteurs de projets, notamment les PME, et de tels principes pourraient apporter un début de solution en apportant une grille de lecture claire, consistante et transparente.
Dès lors, il apparaît essentiel que l’ensemble de l’écosystème prenne part au changement, en incitant ainsi les différents acteurs du secteur financier à échanger non seulement avec leurs pairs mais aussi avec les associations et les organisations non gouvernementales. C’est par le dialogue et une réflexion commune que ce secteur parviendra à s’inscrire dans une démarche responsable et durable.