La fiscalité face au défi de l’économie digitale
La fiscalité face au défi de l’économie digitale
A titre d’exemple, le droit fiscal international est incapable pour l’instant de définir concrètement quels sont les actifs localisés qui sous-tendent réellement la création de valeur de LinkedIn, Twitter, Facebook ou Instagram ? Est-ce la publicité payée sur leurs sites ? leurs goodwill ? leurs portefeuilles de propriété intellectuelle ? la contribution des utilisateurs par leur activité d’échange ? Ou enfin, est-ce leurs capacités à pouvoir agréger un certain nombre d’informations ou de données sur leurs abonnés ?
Quels sont les projets transnationaux à venir ?
Dans le cadre du cahier des charges du projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), les implications fiscales internationales soulevées par l’économie numérique ont été mises en évidence comme un domaine clé d’intervention. Il a été établi que les mécanismes de création de valeur des entreprises de l’économie numérique portent préjudice aux Etats dont les recettes sont amputées. Ils portent également préjudice aux entreprises elles-mêmes qui font face dorénavant à un risque de réputation. Enfin, ils portent globalement préjudice à la valeur cardinale qui porte l’impôt : l’imposition selon la capacité contributive.
Parallèlement aux travaux entrepris par l’OCDE, la commission européenne a annoncé au mois de mars dernier, des mesures transitoires en attente d’un consensus international sur cette problématique à horizon 2020. Il sied de préciser qu’aucun consensus n’a été trouvé concernant la nécessité d’introduire des mesures provisoires en raison d’une crainte pour certains pays de générer des risques de surimposition ou de double imposition.
Globalement, les propositions législatives visent à garantir une imposition équitable des entreprises numériques dans l’Union européenne.
Ainsi, le projet de directive européenne prévoit tout d’abord comme mesure provisoire, l’introduction d’une taxe sur les services numériques (TSN) applicable aux produits tirés de la fourniture de certains services numériques.
Aux fins de cette directive, l’article 3 définit l’assiette imposable comme suit :
a) Le placement sur une interface numérique de publicités ciblant les utilisateurs de cette interface ;
b) La mise à disposition des utilisateurs d’une interface numérique multifaces qui permet aux utilisateurs de trouver d’autres utilisateurs et d’interagir avec eux, et qui peut aussi faciliter la réalisation de fournitures sous-jacentes de biens ou services directement entre les utilisateurs ;
c) La transmission de données recueillies au sujet des utilisateurs et générées à partir de leurs activités sur les interfaces numériques.
Pour ce qui est du calcul de la TSN, elle est déterminée sur une base de 3% des revenus générés par l’exploitation d’activités numériques présentées ci-dessus.
Afin de préserver les start ups ou les entreprises numériques de l’économie solidaire, la directive limite le prélèvement de la TSN aux entités remplissant les deux conditions suivantes :
- Le chiffre d’affaires annuel total au niveau mondial déclaré par l’entité pour l’exercice concerné dépasse 750 millions d’euros.
- Le chiffre d’affaires annuel total généré par l’entité dans l’UE durant l’exercice concerné dépasse 50 millions d’euros.
Enfin, la solution à long-terme privilégiée par la Commission propose un système où les bénéfices seraient taxés en fonction du lieu où se trouve l’utilisateur au moment de la consommation.
Quelle est la position de la Suisse ?
Le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI) a examiné en détail la question de l'imposition de l'économie numérique et préparé une position sur le sujet. Cette analyse sert de base pour définir la position de la Suisse au sein de l'OCDE.
Il en ressort que la Suisse partage d’emblée la volonté des Etats partenaires de mettre en place une approche multilatérale qui prévoie la taxation des bénéfices dans l’Etat où a lieu la création de valeur et qui n’entrainent ni surimposition ni double imposition.
En attendant la mise en place de cette approche transnationale, la Suisse recommande comme mesure à court-terme d’envisager un impôt compensatoire, prélevé uniquement sur la publicité numérique des grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel consolidé de plus de 750 millions d’euros et assorti d’une clause de caducité. Cet impôt compensatoire doit être ciblé et aussi restreint que possible afin d’éviter tout cas de double imposition ou surimposition.
Il est indéniable que les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie doivent s’appréhender sous l’angle d’une approche coordonnée afin de trouver une solution multilatérale à long-terme pour garantir une taxation équitable de l’économie numérique tout en assurant sa croissance dans le futur.