Fash BankNews n°78 | Evaluation du dispositif LCB-FT de la France par le GAFI

Le processus d’évaluation mutuelle est un volet fondamental des travaux du Groupe d’Action Financière (GAFI). En effet, il permet de vérifier la mise en œuvre des recommandations au sein des pays membres et d’évaluer l’efficacité globale de leurs dispositifs de LCB-FT. Dans son dernier rapport d’évaluation sur la France depuis 2011, paru le 17 mai 2022, le GAFI met en avant le « travail considérable d’identification des risques » mené par le pays.

Ce Flash Bank News a pour objectif de décrire les grandes lignes des conclusions du GAFI ainsi que de montrer les principales actions que devrait mettre en place la France pour améliorer son dispositif LCB-FT.

Les conclusions du rapport

Risque et situation générale

Le rapport met en exergue qu’il existe un large et important éventail de risques de blanchiment des capitaux (BC) majoritairement à l’étranger provenant d’infractions commises en France. La France est particulièrement exposée aux menaces qui sont liées aux fraudes douanières, fiscales ou sociales sans oublier les escroqueries et les vols. La France fait également face à deux autres menaces importantes que sont le trafic des êtres humains et les atteintes à la probité dont fait partie notamment la corruption.

Il ne faut cependant pas oublier les risques liés au terrorisme qui sont élevés depuis les attentats de 2015. Le financement via des réseaux de collecteurs de fonds, des cartes prépayées ou encore des actifs virtuels sont des mécanismes privilégiés pour faire circuler des flux en provenance de France vers des zones de combat.

Niveau global d’efficacité et de conformité technique 

L’évaluation mutuelle met en lumière que la France a un système de LCB-FT qui est efficace sur de nombreux points. Elle reçoit une très bonne notation concernant les enquêtes et poursuites de financement du terrorisme, les confiscations de produits issus de crimes ou encore la coopération internationale. Des résultats tout aussi satisfaisant ont été obtenus en matière d’évaluation et de compréhension des risques de BC-FT ou encore concernant la transparence des personnes morales. Toutefois, le GAFI décèle une faiblesse quant à la mise en œuvre des mesures préventives en particulier pour les entreprises et professions non financières désignées (EPNFD).

Du côté de la conformité technique de la France, cette dernière possède un cadre juridique en matière de LCB-FT qui est solide et sophistiqué. La France, depuis sa dernière évaluation, a entrepris de nombreuses réformes et améliorations de ce cadre juridique. Sur le plan répressif, le rapport met en évidence la création du Parquet National Financier (PNF), du Parquet Nationale Anti-Terroriste (PNAT), de l’Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC), mais aussi l’introduction de la « présomption simple de l’origine frauduleuse des biens ou revenus ». En ce qui concerne le plan préventif, le rapport mentionne notamment la création du Registre des Bénéficiaires Effectifs (RBE).

Néanmoins, des lacunes modérées persistent concernant les obligations de vigilance relatives aux Personnes Politiquement Exposées (PPE), les mesures renforcées aux relations de correspondance bancaire et le régime applicable aux Organismes à But Non Lucratif (OBNL).

Politiques et coordination nationale en matière de LCB-FT

Le rapport montre que la France dispose d’une très bonne compréhension des risques de BC-FT se matérialisant grâce à l’Analyse Nationale des Risques (ANR) et certaines Analyses Sectorielles des Risques (ASR). Cela est également perceptible grâce aux rapports de TRACFIN.

Le Conseil d’orientation de la LCB-FT (COLB) assure efficacement la coopération et la coordination au plan national.  

 Renseignement financier, blanchiment de capitaux et confiscation

En ce qui concerne l’utilisation des renseignements financiers, l’évaluation mutuelle dispose que TRACFIN joue un rôle prépondérant dans la collecte du renseignement financier grâce aux diverses sources d’informations auxquelles ce dernier a accès ainsi qu’à son système de traitement informatique interne « STARTRAC ». Cependant, les données disponibles ne sont pas exploitées de manière optimale et l’utilisation des informations pourrait être davantage augmentée.

En ce qui concerne les enquêtes et les poursuites de BC, la France enquête de manière très active sur les cas complexes et très complexes de BC (approche « par le haut »). Les autorités poursuivent et condamnent largement sur le fondement du BC. Toutefois, malgré une augmentation des effectifs, le manque d’enquêteurs spécialisés a une répercussion sur les délais des enquêtes.

Dans le cas de la confiscation, la France a érigé la saisie et la confiscation des produits et instruments provenant d’activités criminelles en une priorité globale. Cette activité est particulièrement efficace puisque cela représente 4,7 milliards d’euros par an en moyenne. Le GAFI précise que la création de l’AGRASC est un point fort dans le système mis en place.

Financement du terrorisme et de la prolifération

L’évaluation mutuelle montre que la lutte contre le financement du terrorisme est une des priorités majeures de la France. Le PNAT, avec ses effectifs ayant doublés depuis 2014, en est une bonne illustration. De plus, les enquêtes sur le terrorisme incluent systématiquement un volet sur le financement de ce dernier.  

Quelques défaillances sont à noter telle que l’incapacité à recenser le nombre précis d’associations identifiées à risque ou encore un manque de sensibilisation du secteur. Des améliorations sont donc requises dans ce domaine.

Mesures préventives

Les entreprises du domaine financier ont en général une bonne compréhension des risques de BC-FT, tel n’est pas nécessairement le cas chez les EPNFD. Cependant, la majorité des institutions financières et des EPNFD cherchent à identifier les BE de leurs clients.

En ce qui concerne les obligations déclaratives, les institutions financières remplissent bien les leurs mais les EPNFD soumettent encore trop peu de déclarations de soupçon. De plus, le délai moyen de transmission apparaît relativement long et, dans certains cas, la déclaration est soumise à l’approbation des dirigeants.

En ce qui concerne les prestataires de services sur actifs virtuels (PSAV), quelques difficultés ont été notées sur l’application de la « travel rule » et la mise en place de structures de contrôle interne. Cependant, en raison de leur récent assujettissement, le rapport souligne qu’il est encore difficile d’apprécier pleinement l’efficacité des mesures préventives.

 Coopération internationale

 Le GAFI met en lumière que la France possède un cadre conventionnel et une infrastructure domestique à même de répondre de manière efficace aux demandes d’entraide pénale provenant majoritairement des États membres de l’UE. La qualité de l’entraide fournie par la France est de bonne qualité selon le rapport. Plus largement, l’ensemble des autorités de surveillance coopèrent avec leurs homologues étrangers et organisent également des collèges de supervision.

Les recommandations du rapport

Selon le GAFI les actions prioritaires à mettre en place pour la France sont les suivantes :

  1. renforcer les efforts de supervision des EPNFD ;
  2. mettre en œuvre des mesures nécessaires pour renforcer la connaissance de toutes les EPNFD de leurs obligations en matière de LCB-FT notamment en ce qui concerne la notion de bénéficiaire effectif et améliorer leurs déclarations de soupçon ;
  3. poursuivre la mise en œuvre de l’application de la présomption de BC auprès de l’ensemble des autorités de poursuites ;
  4. renforcer les effectifs spécifiquement formés et dédiés à la LCB-FT ;
  5. doter les greffiers des tribunaux de commerce d’outils permettant la vérification de l’authenticité des documents enregistrés au RCS et au RBE ainsi que sensibiliser les institutions financières et les EPNFD sur leur obligation de déclarer les divergences entre les informations collectées par leurs soins et celles inscrites au registre ;
  6. étendre les diligences relatives au contrôle de l’honorabilité et de la probité à tous les postes de direction et des bénéficiaires effectifs et lever toute disposition réglementaire limitative dans la mise en œuvre des diligences complémentaires pour les PPE ;
  7. s’assurer que des informations élémentaires sur les bénéficiaires effectifs des associations, fondations et fonds de dotation soient exactes, à jour et mis à disposition des autorités compétentes ;
  8. conduire une évaluation plus approfondie des risques d’exploitation du secteur OBNL aux fins du FT en prenant en compte les menaces et vulnérabilités liées aux activités associatives ;
  9. affiner les analyses de risques liés à certains secteurs (immobilier), activités (espèces et actifs virtuels) et menaces (corruption) ;
  10. s’assurer que toutes les autorités compétentes poursuivent leurs efforts aux fins d’améliorer le recueil et le maintien des données statistiques et développent la centralisation des données en particulier en ce qui concerne les saisies, les confiscations et l’entraide pénale.

Vous pouvez retrouver le rapport complet sur le site internet du GAFI à l’adresse suivante : Rapport-Evaluation-Mutuelle-France-2022.pdf (fatf-gafi.org).

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