La transformation de l'hôpital ne se fera pas sans l'humain
Comme l’a affirmé Emmanuel Macron aux débuts de la crise du Covid-19, la santé « n’est pas un bien comme les autres ». Une phrase qui résonne particulièrement avec le mal-être général des professionnels hospitaliers, antérieur à cette crise sanitaire, et qui annonce un plan de refonte en profondeur de l’hôpital public. Mais une question demeure : comment réorganiser l’hôpital à la lueur des enseignements de cette situation inédite, quand le moment sera venu ? Quelles sont les attentes des responsables d’établissements de santé publics ?
Investir dans l’humain
Pour 88 % des responsables d’établissements de santé publics, le constat est clair : la priorité des investissements en hôpital doit porter sur les ressources humaines1. Un argument qui restera d’autant plus incontournable après la crise du Covid-19, alors que les équipes soignantes ont donné sans compter pour assurer les prises en charge urgentes et critiques nécessaires, au prix d’une fatigue immense. Et cet investissement pourra revêtir deux aspects.
Le premier, quantitatif, misera sur les rémunérations et l’augmentation des recrutements. Parce que cet aspect ne pourra suffire, tant le mal-être est répandu dans le milieu hospitalier, le second pilier sera qualitatif. Il devra porter sur l’attractivité de ces métiers et les conditions d’exercice dans les établissements de santé. L’enjeu : réaffirmer le sentiment d’appartenance et redonner du sens au travail au sein de l’hôpital public. Des actions qui se mèneront sur le terrain, avec, pour et par les soignants.
Impliquer pour réengager
Au cœur du renouveau de l’engagement des personnels hospitaliers se trouve ainsi l’implication des équipes soignantes, médicales et administratives dans les décisions. L’objectif : instaurer un management participatif et collégial.
Mais le chemin à parcourir pour y parvenir reste long. Encore peu répandus en France, et plus visibles au Canada et aux États-Unis, les « hôpitaux magnétiques » représentent des exemples à suivre. Ils se distinguent par l’autonomisation professionnelle et la valorisation du personnel soignant. Montée en compétences via la formation et affirmation du leadership avec la participation des équipes à la co-construction des projets en constituent les fondements.
Instaurer une symétrie des attentions
L’humain doit ainsi retrouver toute sa place dans l’hôpital de demain. Qu’il soit patient ou professionnel de santé, c’est sur la prise en compte des besoins de chacun, tout au long des parcours individuels et collectifs au sein de l’hôpital, que pourra se construire un projet durable. Si l’expérience patient présente un véritable attrait pour les dirigeants hospitaliers, des freins à son amélioration existent et sont à la fois liés aux conditions de travail et aux ressources insuffisantes.
Donner priorité au patient et au professionnel hospitalier, dans toute leur diversité, permettra ainsi d’instaurer une symétrie des attentions fondamentales. Ce concept, impliquant de tendre vers une même exigence relationnelle dans le traitement des patients et soignants, requiert toutefois une innovation organisationnelle et managériale en libérant les énergies, en donnant le pouvoir de décision aux personnels, dans une culture du changement permanent, adaptable et agile.
Changer de paradigme en profondeur
La collaboration, la reconnaissance du travail infirmier et paramédical par les médecins et les administratifs ainsi que le partenariat avec les patients, favoriseront la conduite des changements nécessaires. Cette transformation engagera des investissements humains et matériels — en parallèle d’un décloisonnement et d’une révision du mode de financement des hôpitaux — mais aussi une réponse à cette quête de sens au travail au sein de l’hôpital public. Autant de chantiers dont l’extrême priorité a été encore plus révélée par la crise actuelle et qui devront être portés pour assurer l’avenir de l’hôpital et de notre système de santé.
Enfin, cette crise du Covid-19 aura accru l’urgence d’accélérer deux transformations profondes. D’une part, l’approche encore très hospitalo-centrée devra laisser place à la mise en place d’un système plus intégré et collaboratif. La logique des silos doit être cassée, l’hôpital doit être dans une interaction totale avec l’ensemble des acteurs du système de santé et plus particulièrement les cliniques, la médecine de ville et le secteur social et médico-social. D’autre part, l’hôpital a besoin d’une décentralisation de la décision au plus près du terrain, gage d’une véritable agilité, réactivité et efficacité. Les hôpitaux doivent privilégier une structure de management légère, souple, favorisant la prise de décision rapide et une adaptation constante aux réalités de terrain.
1 Etude Mazars « L’hôpital face à ses défis : le pari de l’humain »
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Article paru dans Les Echos