Pour lutter contre l’autocensure et le syndrome de l’imposteur, l’entreprise doit créer un environnement de confiance
Nous savons que les freins à la mixité en entreprise ne sont pas à rechercher dans le niveau d’ambition des femmes, ni dans leur détermination à réussir, mais dans un environnement qui bride leur confiance en elles et leur capacité à se projeter aux postes les plus élevés. Or, l’ambition seule est inutile si elle ne baigne pas dans un environnement qui la soutient. Favoriser la mixité implique donc une transformation de fond de l’environnement : culture et valeurs de l’entreprise, processus, ambiance, comportements.
Les dirigeants disposent pour cela d’un arsenal de mesures. Certains opteront pour la nomination de référents mixité, d'autres pour la mise en place d’indicateurs de pilotage et d'objectifs ambitieux. D’autres encore feront évoluer leurs processus de recrutement et d’évaluation pour en supprimer les biais. Enfin, la sensibilisation de l’ensemble des équipes aux stéréotypes de genres est incontournable, notamment celle des collaborateurs masculins. La contrainte et la culpabilisation, source de crispations, nuisent aux avancées collectives et ne peuvent être les seuls leviers d’action. Pour créer un climat inclusif au sein de l’entreprise, je crois davantage à la promotion d’une culture managériale et de règles organisationnelles profitables à toutes et à tous.
La mixité, une chance pour améliorer les conditions de travail, y compris celles des hommes
Les hommes, encore détenteurs de la majorité des postes à responsabilités, ont eux aussi beaucoup à gagner dans les transformations organisationnelles que cette mixité entraîne, qu’il s’agisse de la qualité de vie au travail, de la parentalité, du juste équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
Gardons-nous de l’excès de zèle qui consisterait, sous prétexte d’égalité, à lisser toute différence entre les femmes et les hommes : il s’agit au contraire de reconnaître ces différences pour mettre en place des solutions adaptées. Nous devons prendre en compte les disparités de départ pour proposer des process dignes de les corriger : la question des cycles de carrière notamment, parce qu’elle est source d’inégalités, doit faire l’objet d’un traitement différencié. La parentalité, enjeu d’équité et atout de recrutement, doit être abordée au travers de dispositifs qui s’adressent à tous : soutien au congé parental pour les hommes comme pour les femmes, dispositifs de “retour en douceur”, allongement du congé paternité et second parent. Réduire les inégalités de carrière entre hommes et femmes implique de soutenir la gestion de la parentalité : Forvis Mazars s’y engage de façon très concrète, en portant à 2 mois et demi la durée du congé du conjoint pour la naissance d’un enfant. Chaque collaborateur de Forvis Mazars, dès la première année d’ancienneté, bénéficie ainsi de 42 jours de congé paternité supplémentaires pour prendre le temps de créer du lien avec son enfant.
Dans cette quête du juste équilibre entre vie privée et vie professionnelle, la question de la flexibilité du temps de travail ne doit plus être taboue. En 2023, les entreprises ont tout intérêt à mettre au pilori la culture du présentéisme, qui nuit tant au bien-être des salariés qu’à la performance de l’entreprise. Pour autant, le recours au télétravail ne saurait être l’unique solution. Il convient dès lors d’apporter de la valeur ajoutée au présentiel par rapport au distanciel afin d’encourager les salariés à une présence active dans l’entreprise, lieu privilégié d’échanges, de coopération intergénérationnelle et de transmission des savoirs. Les dirigeants doivent montrer la voie, et celle-ci doit être exemplaire.
Sur le chemin vers la mixité, l’attitude de la dirigeante ou du dirigeant est décisive. Le ton doit être donné en interne de façon claire et non équivoque. La vision de l’entreprise en matière de mixité doit être communiquée officiellement à l’ensemble des salariés. C’est en effet l’unique moyen de placer le sujet à un niveau stratégique, et de parvenir à embarquer l’ensemble du management, à tous les niveaux de l’organisation.
Osons parler d’exemplarité, car l’enjeu appelle les directions à la responsabilité. Il s’agit notamment de donner les bonnes clés de lecture, et le cas échéant, de prendre les mesures qui s’imposent devant des comportements inappropriés. L’engagement de la direction se doit d’être d’autant plus fort qu’il vise à incarner un changement de culture d’entreprise et à assurer sa pérennité dans le temps, indépendamment du turn-over des instances dirigeantes.
Quotas de femmes dans les instances dirigeantes : des évolutions réglementaires à anticiper
Aux organisations hésitantes, il convient de rappeler que le temps presse. Souvenons-nous : en 2021, le projet de loi Rixain cristallisait le débat autour de la question des quotas de femmes. Certains s’interrogeaient alors : “Ces quotas sont-ils nécessaires ? Sont-ils équitables ?” L’heure n’est plus au débat : la loi, adoptée en 2021, impose aux grandes entreprises d’intégrer 30% de femmes au sein des instances dirigeantes d’ici à 2027, puis 40% d’ici à 2030. Et la directive européenne Women on Boards prévoit quant à elle de féminiser les Conseils d’administration des entreprises cotées de l’UE d’ici à 2026.
Parce qu’elles contraignent, ces lois imposent à toutes les instances dirigeantes, une réflexion de fond sur la mixité en entreprise. Chaque organisation a intérêt à se questionner dès aujourd’hui sur ses méthodes, et sur la notion d’équité qui s’applique ou non en son sein. Au-delà de l’enjeu éthique, il en va désormais de leur crédibilité auprès des jeunes générations, qui ont fait des questions de diversité un facteur d’attractivité.
S’il est évident que l’équité ne sera pas atteinte en un jour, nous devons nous engager sur une obligation de moyens. N’est-il pas de notre devoir de valoriser tous les talents, et de veiller à ce que nos meilleurs éléments féminins ne se heurtent pas aux plafonds de verre ?
Nous avons toutes et tous intérêt à travailler à la construction d’un meilleur équilibre entre femmes et hommes, condition sine qua non du progrès sociétal. L’entreprise, à travers sa politique RH et RSE, doit jouer pleinement son rôle pour que toutes les femmes puissent, à compétences égales, se sentir pleinement légitimes dans leurs évolutions professionnelles et leurs choix de carrière.
Même si le chemin est long, les moyens existent : il ne tient qu’à nous, dirigeants, de nous en saisir pour renforcer nos actions en faveur de l’égalité professionnelle. Et, s’il n’existe pas de remède miracle, l’élément-clé du succès réside dans notre capacité à agir dans la durée, avec volontarisme et détermination. C’est ainsi, collectivement, que nous pouvons contribuer à la construction d’une société plus équitable, plus juste et plus durable, où l'équilibre femmes-hommes est perçue comme une condition indispensable du progrès.