Le digital dans la quatrième révolution industrielle : transformation positive ou menace pour l’emploi ?
L’impact du numérique sur l’emploi fait régulièrement débat : s’agit-il d’une menace ou bien d’une opportunité pour de nouveaux métiers ? Nos formations, notre quotidien au travail ainsi que notre futur professionnel s’en voient influencés voire bouleversés. Il est désormais essentiel d’anticiper les évolutions du numérique en entreprise, de s’acculturer aux changements induits par celui-ci mais surtout d’évaluer dans quelle mesure et à quelles conditions ces transformations digitales peuvent se faire dans les meilleures conditions pour les salariés.
D’une transformation industrielle à une transition digitale
La nature intrinsèque du travail a évolué à plusieurs reprises dans l’histoire de l’humanité. Partant d’une économie majoritairement agraire à une économie industrielle au tournant du 20ème siècle, ces évolutions n’ont cessé de s’accélérer, notamment avec les transformations récentes du travail dans les métiers de services. Les entreprises doivent désormais constamment ajuster leur vision de l’emploi et du rapport des collaborateurs au travail.
Plusieurs industries tendent dernièrement à relocaliser leur production en s’appuyant sur les capacités du digital pour gagner en performance. Ainsi, la fabrication de chaussures de sport d’une célèbre marque mondiale s’est vue relocalisée en Europe grâce à une complète automatisation de la chaîne de production. Toujours en Europe, la digitalisation des processus de fabrication a entraîné dernièrement la création de près de 100 000 emplois dans l’industrie automobile sur des métiers qualifiés, principalement issus du digital et de l’automatisation1.
L’organisation du travail elle aussi se transforme, avec l’augmentation des opportunités dans les métiers du digital et la généralisation du travail à distance, en particulier depuis la crise sanitaire. La facilité de délocalisation des métiers du digital permet un accès simplifié, à un grand nombre de candidats, aux emplois de ce secteur. Cela permet à des entreprises situées dans des bassins d’emploi en tension de sourcer des talents, où qu’ils se trouvent. De la même manière, le déploiement d‘outils collaboratifs constitue une chance pour toutes les catégories de population traditionnellement éloignées de l’emploi, quelle qu’en soit la raison (handicap, diversité, éloignement géographique).
Bien que l’accès à l’emploi semble plus « simple », nombreux sont ceux qui estiment que les nouvelles technologies sont une menace pour leur emploi. Une étude McKinsey de 2011 sur l’impact d’internet en France évoquait que si 500 000 emplois avaient été détruits, 1 200 000 emplois avaient, à l’inverse, été créés. Ce solde positif nous amène à penser qu’il est aujourd’hui indispensable d’accompagner les entreprises et les salariés pour faire face aux évolutions des métiers et permettre une meilleure employabilité dans le secteur du digital.
Vers quelle évolution des métiers ?
L’impact du numérique sur le travail ces 10 à 20 dernières années nous questionne sur l’évolution des métiers. De manière générale, le numérique transforme la « manière » de travailler, mais pas le rôle du salarié dans l’organisation. Cela a-t-il vocation à perdurer ?
Mettons ainsi en évidence deux effets, parmi les principaux observés sur l’emploi, liés au déploiement du digital :
- La suppression de tâches routinières : L’automatisation de tâches devenues répétitives est en effet le premier cas d’usage de l’automatisation et de l’intelligence artificielle dans le secteur des services. Prenons ainsi l’exemple du ministère de l’économie et des finances qui a choisi de s’outiller avec des « robots » capables d’automatiser des processus RH simples tels que l’envoi de courriels aux contractuels en fin de contrat. Citons également la cobotique, qui, non seulement est envisagée quand les robots seuls ne peuvent pas remplacer l’Homme dans son expertise et son savoir-faire mais permet également une compétitivité certaine dans un marché très concurrentiel5 tel que l’automobile. Il n’en reste pas moins que les emplois routiniers restent les plus difficiles à convaincre des bienfaits de ces technologies, étant les plus réfractaires car plus fragiles face aux gains de productivité qui en découlent.
- La création d'emplois qualifiés et rémunérés : On parle ici de l’effet de « polarisation des métiers » qui consiste en un déclin historique de la part des emplois situés au milieu de la distribution des qualifications (employés et ouvriers qualifiés) au profit des plus qualifiés (cadres et professions intermédiaires). Il s’agit ici principalement d’emplois auxquels sont attribuées peu ou pas de tâches routinières avec des qualifications souvent élevées (ingénieurs, métiers intellectuels).
- Les applications de l’IAsont en passe de changer d’échelle et de toucher le grand public comme les entreprises. Selon OpenAI, plus d’une quinzaine de catégories d’emplois pourraient très rapidement subir un fort impact de l’IA dans leurs pratiques, notamment dans l’automatisation des tâches. Nous retrouvons des métiers aussi variés qu’expert-comptable, analyste financier, écrivain et auteur, ou encore concepteur d’interfaces web. Certains métiers risquent quant à eux d'être fortement transformés voire potentiellement remplacés par des technologies dites « de rupture », à l’image du métier de chauffeur routier dans le contexte du développement des véhicules autonomes.
Enfin, certaines entreprises, choisissent un schéma « nativement » fondé sur les technologies et notamment l’IA, et ce dès l’émergence de leur business model. Dans ce cas de figure, l’essentiel des tâches est réalisé par l’IA et non par des opérateurs humains.
Une formation en continu
Aujourd’hui, un diplôme de grande école certifiant en nouvelles technologies garantit l’acquisition de qualifications sur trois ans contre dix ans auparavant. Cette évolution doit entraîner une adaptation du contenu des formations initiales des étudiants mais aussi des formations en continu des employés. Outre le fait de se former à l’école, il devient indispensable pour un employé de constamment se former aux nouvelles technologies et ce tout au long de sa carrière. Il est enfin essentiel de mettre en avant l’utilisation des « soft skills » qui passe par un apprentissage privilégié dans un contexte de travail.
L’Institut Montaigne estime que le secteur du numérique représentera 1 600 000 emplois en 2030 en France. Il est donc nécessaire de former un grand nombre de personnes pour occuper ces emplois, sous peine de bloquer le fonctionnement des administrations et des entreprises, qui dépendent de plus en plus de ces secteurs pour fonctionner. Les établissements académiques se doivent de proposer désormais des formations dites « dans l’air du temps » en renforçant le développement de compétences comme « l’esprit critique », qui reste, à ce jour une qualité intrinsèque de l’Humain, que la machine ne peut égaler.
C’est à une complète transformation de la vision de l’emploi et des formations qu’il faut se préparer afin d’appréhender au mieux les transformations digitales de notre monde du travail. La transformation des métiers doit être accueillie comme une opportunité dans les industries comme dans les services en se représentant la relation « homme – machine » comme complémentaire et non comme substitutive. Selon une étude publiée par Dell et l’Institut pour le futur, « 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore ». L’intelligence artificielle ou la robotique vont non seulement transformer en profondeur les métiers existants mais également créer de nouvelles opportunités pour les employés. Il s’agit à présent de s’en saisir !